L'histoire :
Walter est un jeune photographe dans le New York de 1958, passionné par la vibration qui émane des clubs de jazz, et obnubilé par son métier qui l'amène, entre autres, à rencontrer de très jolies jeunes femmes. Volontiers séducteur, il accumule les relations sans lendemain avec les modèles qu'il est amené à mettre en scène pour les pages mode du magazine Way Out. Un soir, après quelques photos au Village Vanguard, il croise devant sa porte de Greenwich Village un vieil homme vendeur de cravates et de montres, avec qui il échange quelques mots. Quelques minutes plus tard, il entend des bruits dans la rue et descend de chez lui pour porter secours à l'homme qui se faisait agresser par trois voyous. Pour le récompenser de son geste, le vendeur de rue lui offre un étrange talisman, doté parait-il de pouvoirs magiques. Walter accepte et le cadeau et les explications de l'inconnu, qui lui affirme n'avoir pas pu profiter de son porte-bonheur, au moment d'avoir à faire un choix cornélien. Le lendemain matin, lors d'une séance photo avec la très jolie Mia, Walter flirte gentiment comme à son habitude. Il ignore que la modèle qu'il embrasse dans les loges est en fait la fille de son boss, qui surgit au moment le moins opportun, et le met à la porte. La main sur son talisman, Walter se dit qu'il reviendrait volontiers en arrière pour ne pas commettre cette bourde qui condamne sa carrière. Et se trouve soudain projeté juste avant de rejoindre Mia dans sa loge...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'élégance du trait de Cyril Bonin frappe dès les premières cases de cet album, par une très jolie suite de cases qui passent de la scène encombrée d'une boite de jazz, à la rue où Walter sort de son taxi jaune dans l'obscurité. Le dynamisme de la mise en page, la finesse des visages, la palette de couleurs démontrent la maturité graphique d'un des auteurs actuels les plus originaux. Bonin ne semble l'élève de personne, tout en évoquant Juillard pour ses très beaux décors, ou Ceppi pour une certaine forme de classicisme actualisé. Ce récit autour du voyage dans le temps est plein de charme et très rondement mené, surprenant le lecteur à plusieurs reprises. Dès ses premières pages, la personnalité du jeune photographe est campée, tout comme sa silhouette très fidèle aux canons du dessinateur. Le style Bonin, aussi reconnaissable que celui de Luc Jacamon (le dessinateur du Tueur), s'accompagne désormais d'une belle maturité de scénariste. Les hésitations de Walter lorsqu'il lui est possible de faire marche-arrière sont toujours pleines de pertinence et finalement très crédibles. Cette histoire en cent pages est accrocheuse et équilibrée, l'auteur ayant visiblement apprécié la possibilité de construire un album long et immersif. Ceux qui découvriront Bonin à la faveur de ce one-shot ont bien de la chance, car il leur reste quelques excellents autres albums à lire. Les autres, c'est à dire ceux qui sont déjà des fans, se verront confirmer le talent d'un auteur qui fait désormais partie des valeurs sûres de la BD franco belge.