L'histoire :
Début XIXème siècle. Une belle jeune femme circule en traîneau à chiens au pôle Nord dans un début de tempête, à la recherche de quelqu'un ou quelque chose. Une forme monstrueuse apparait, puis c'est le noir. Recueillie par le capitaine du navire Prométhée arrêté non loin dans les glaces, Mary Shelley raconte son histoire. Elle est la fille d'une famille riche suisse, vivant aimée de ses parents et ses deux frères dans une grande maison à Genève. Le décès de sa mère d'une scarlatine la conduit à partir assez vite à Ingolstadt afin d'étudier la philosophie et les sciences. Seule femme, mais encouragée par le professeur Waldman, elle se consacre à corps perdu à la philosophie naturelle et l'anatomie, se demandant dans quoi réside l'origine de la vie ? A force d’expériences, à l’aide de cadavres entre autre, elle va créer un être de toute pièce, un monstre hideux qu’elle va aussitôt rejeter...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On a déjà pu voir et lire des adaptations du roman fantastique de Mary Shelley paru en 1818 et adapté au cinéma dès 1916. Les revisites, il faut le dire, sont souvent assez éloignées du roman originel. Il est pourtant une version graphique ayant ravie tous les amateurs : celle dessinée par Berni Wrightson paru en 1984 chez Albin Michel et dont la suite publiée en 2012 a été achevée au final par son « élève » le plus doué, Kelley Jones. Là les relations entre le créateur et le monstre, son « enfant », étaient davantage abordées, tout comme la longue chasse les opposant jusqu'aux pôles. Sandra Hernandez, déjà illustratrice de Jean Giono pour L'homme qui plantait des arbres (Bang ediciones 2021), nous revient avec ce nouvel album de toute beauté. Ce moyen format séduit dès sa couverture, reprenant une case du récit, et introduit le dessin poétique de l'artiste, tout en courbes légères et en nuances pastel, auxquels les albums jeunesse nous habituent davantage. Il émane des cases créées par Sandra Hernandez une douce splendeur, que même les noirs intrigants ne sont pas vraiment noirs, mais bleu et or. Le centre d'enseignement public d'art et de design Massana de Barcelone n’est pas loin et ressort dans ce travail, tout comme la sérigraphie à laquelle l’artiste s’adonne également. En complément, le texte de la romancière anglaise trouve un écrin parfait dans cette mise en page aérée, riche de tout le romantisme nécessaire à une œuvre à l'origine de la culture gothique moderne, et avec la présence accrue de l'élément féminin, supportant tous les maux. En effet, plutôt que Victor Frankenstein, Sandra Hernandez a choisi la romancière comme personnage principal et créateur de son monstre ; une idée bienvenue et moderne. Il fallait tout ce talent féminin pour rendre justice à une autre femme et à son œuvre, et faire presque oublier celle d'un collègue masculin pourtant culte l'ayant précédée. Rendons à la muse...