L'histoire :
Sophia est étudiante en design textile. Elle a grandi avec une fausse croyance, celle de ne pas être à sa place, d'être « trop » ou « pas assez ». Elle se rappelle notamment d'un souvenir de jeunesse. Avec sa grand-mère maternelle et ses cousines, elle se préparait pour un carnaval. Celle-ci avait décidé de les habiller en bavaroises, pour qu'elles soient identiques. Mais lors des préparatifs, sa grand-mère s'acharnait sur ses cheveux crépus, et s'énervait : ils ne sont pas lisses, elle ne peut rien faire avec une telle chevelure, elle ne ressemblera jamais à ses cousines. Et puis, sa couleur de peau ne va pas non plus, alors elle lui ajoute un peu de talc sur les joues. Les enfants descendent les escaliers et la famille les accueille à bras ouverts. Quelles sont belles ! Mais lorsque Sophia va voir sa mère, celle-ci s'indigne : pourquoi a-t-elle du talc sur le visage ? C'est inadmissible ! Quinze ans plus tard, à Bruxelles, Sophia rend visite à son père de passage en France. Ses parents se sont séparés et depuis, il est retourné vivre en Afrique. Une tante les rejoint. Elle échange avec son père dans sa langue natale. Sophia ne comprend pas, mais sa tante la critique : comment se fait-il qu'elle ne parle pas lingala ? Sophia a toujours pratiqué l'évitement, mais cela ne l'empêche pas de ressentir de la honte. Alors elle tente de se fondre dans la masse... Elle se rend en cours où le thème de leur projet de fin d'année va être dévoilé. Et à sa grande surprise, le tissu qu'elle va devoir analyser, dans sa fabrication, son histoire et ses enjeux, c'est le wax. Un tissu étroitement lié à son histoire personnelle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le Muséum d'Histoire Naturelle et le Musée de l'Homme présentent, du 5 février au 7 septembre 2025, une exposition intitulée Wax, qui analyse l'histoire et l'actualité artistique du wax, entre héritage et réappropriation. A l'occasion de cette exposition, Justine Sow a été sollicitée par Bayard Graphic, pour collaborer avec ces musées, et proposer une bande dessinée autour de cette thématique. Elle entame alors un travail de recherche important, pour balayer les enjeux de ce tissu, tout en l'incorporant à une histoire personnelle, celle de son personnage de fiction, Sophia. L'étudiante en design textile va devoir travailler sur cette matière pour un projet de fin d'année, et elle a tout à découvrir. Pourtant, elle va s'apercevoir que ce tissu a un lien étroit avec son histoire culturelle et familiale, et elle va prolonger son travail universitaire par une quête identitaire à travers ce tissu. Le wax est empli de paradoxes, partagé entre histoire coloniale et post-coloniale, tout comme l'héroïne, métisse, qui doit jongler entre deux cultures sans arriver à trouver sa place. L'album mélange à la fois informations didactiques (on découvre par exemple les significations des motifs des tissus wax) et fiction. Et la partie fictive et quête identitaire prennent rapidement le pas sur la partie « informations », permettant au lecteur de ne pas avoir affaire à une bande dessinée documentaire pure, mais de s'évader tout en ouvrant des pistes de réflexions. Les dessins sont parfois un peu statiques, l'autrice mise sur les personnages plutôt que sur les décors, parfois absents en arrières-plans, mais va à l'essentiel, et utilise un découpage et un trait lisibles et efficaces.