L'histoire :
Septembre 1604, une funeste assemblée formée de quatre respectables hommes se tient à l'entrée d'une grotte située au pied d'une colline. « Par ordre du Roi ! Dis-moi, bonne femme, es-tu morte ? »... Trois fois, telle que la Loi en dispose, l'homme qui surplombe bel et bien le cadavre d'une femme répète la question. Face au silence et à l'évidence, il prononce en sa qualité de Procureur le décès de celle qui, de toute évidence, était une catin exerçant son métier, comme de nombreuses autres, le long du camino real. Il est accompagné de son greffier, qui note scrupuleusement les remarques faites par son supérieur. « Trente ans ou plus, de taille moyenne, maigre de visage et de corps. ». Nul besoin d'être médecin pour conclure qu'elle était atteinte du mal français. La pauvre femme était donc syphilitique, comme en attestent les tâches et bubons qui ont envahi son corps, en particulier la bouche et son sexe. Le magistrat intime alors au greffier de procéder à la fouille de ses affaires, pour trouver une éventuelle indication de son identité. S’exécutant non sans une certaine appréhension mêlée de dégoût, ce dernier découvre un certificat de bonne santé, datant de deux ans et signé d'un médecin officiant de l'autre côté de la montagne. Une demi-journée à cheval et un léger interrogatoire de ce docteur s'imposent aux autorités...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Joan Mundet est un artiste catalan surtout connu pour son travail d'illustrateur, mais qui fait de la BD depuis presque 50 ans. En France, son adaptation du roman Le Capitaine Alatriste a été publiée au Seuil. Et voici donc que les éditions belges BD Must proposent Capablanca. Ajoutons au palmarès de l'auteur une participation au magazine Sergento Kirk, aux côtés des œuvres d'Hugo Pratt, Luis Bermejo, Michel Blanc-Dumont et cela vous donnera une idée du talent du catalan. Il y a dans ce premier volume tout ce qu'on aime dans une BD : du fond et une esthétique sans faille. Capablanca se nourrit en effet d'un contexte historique, celui de la Catalogne du début du XVIIème siècle, où (déjà) l'autorité royale est remise en cause par l'apparition de bandits de grands chemins. Et le souffle de l'aventure emporte le lecteur dès la première page, pour l'emmener vers le destin de Joan Muntada, enfant né d'une union que la Morale de cette société réprouve et qui tombe sous la coupe d'un truand qui vit par sa lame. Tout au long de l'album, on est séduit par la mise en page et les couleurs, tandis que les personnages, tantôts pittoresques, tantôt inquiétants, viennent jalonner une intrigue qui pose ses bases de façon on ne peut plus claire ni solide. Alors inutile de jouer ici à Pile ou face, sachez que vous sortirez de cette lecture gagnant, à tous les coups !