L'histoire :
Nous sommes quelques mois avant la chute de l’« empire jaune » de Bassam-Damdu, qui provoqua une 3ème guerre mondiale et qui fut éradiquée par les escadrilles d’Espadons de Blake et Mortimer. Craignant que leur patrimoine ne tombe aux mains de la révolution communiste menée par Mao Zedong, des chinois du Kuomintang (le gouvernement nationaliste officiel) tentent d’exfiltrer de leur pays des milliers d’œuvres d’art. Ils embarquent à la hâte des centaines de caisses sur 4 navires, à destination de Taïwan. Malheureusement, leur empressement les aveugle et ils partent alors qu’une grosse tempête se lève. Seuls trois navires arrivent à Taiwan ; le quatrième en perdition évite le naufrage en se déportant sur une petite île… Mais il restera de longues semaines introuvable pour le docteur en archéologie Sun-Yi-Sun qui mène les opérations. Cependant, ce dernier est intrigué par une découverte dingue dans une statuette creuse : une pièce d’arbalète et un manuscrit authentique du premier empereur chinois. Ses recherches l’amènent à penser qu’un autre parchemin se trouve dans une statuette jumelle… qui se trouvait dans une caisse du 4ème navire. L’attaque des Espadons change la donne. Olrik fuit la débâcle de l’Empire Jaune à bord d’une aile rouge révolutionnaire, mais son appareil est capturé par les troupes du général Xi-Li, qui ont vent de cette découverte archéologique de première importance pour leur légitimité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce 25ème opus de Blake et Mortimer revient sévèrement aux sources. Dans la chronologie des aventures du célèbre duo britannique, il s’inscrit en effet dans la suite immédiate de la première trilogie, Le secret de l’Espadon, et juste avant le diptyque Le mystère de la grande pyramide. Il exploite d’ailleurs une veine politique et d’espionnage proche de celle de l’Espadon, mais avec la densité de la Pyramide. L’intrigue montre les mêmes raccourcis géopolitiques et les mêmes aspirations mégalomanes de série B que cette période originelle, mais avec un aspect bavardo-verbeux vraiment difficile à endurer. Le scénariste Yves Sente respecte certes les longues séquences de texte qui sont propres à la série, mais on se perd vite et durablement dans les palabres mêlant archéologie et espionnage, et dans les intentions floues des nombreux personnages. Or, le plus cruel est à venir au terme d’une lecture fastidieuse des 54 planches, au sein d’un découpage compact : l’aventure n’est pas complète, sa résolution sera à découvrir dans un tome 26 à venir... Argh. A trop vouloir respecter les codes narratifs de la saga, Sente nous perd dans un récit-fleuve sans direction claire et sans souffle épique. Comme souvent avec les reprises des séries du patrimoine de la BD franco-belge, le plus convaincant vient du dessin. Les néerlandais Teun Berserik et Peter van Donghen sont des contrefacteurs de premier choix. Ils n’ont rien à envier à leurs prédécesseurs Juillard, Aubin, Schréder, Sterne… sans oublier Jacobs himself. Leur maîtrise de la ligne claire, du décorum et de la mise en scène propre à la saga est juste incroyable. On peut juste leur reprocher un découpage vraiment très serré, avec des détails et des textes parfois minuscules (ex : p39)… mais cette contrainte est inhérente au scénario, aussi poussif que le propose le moyen de transport utilisé en couverture, hommage évident à Tintin (case géante p.6 du Lotus bleu).