L'histoire :
Début des années 1950 en Pologne soviétique. Stanislaw et Zosia vivent dans le village de Zatonie avec leur jeune fils. Lui est maçon et elle bibliothécaire dans la ville voisine. L’époque est rude mais le couple fait face. Un deuxième enfant naît. Lui décide de fabriquer une maison pour la petite famille, tandis que Zosia occupe ses moments libres en correspondant avec sa sœur, vivant à Paris, où elle fantasme de passer des vacances. Ces beaux courriers lui présentent une ville merveilleuse, bien différente de leur morne quotidien. Un jour d’été 1960, alors que Stanislaw travaille sur un chantier, il décède accidentellement. La vie déjà difficile va devenir impossible, car le directeur de la bibliothèque, un ex agent de police secrète polonaise, ayant gardé de nombreux contacts, prend Zosia sous sa coupe et lui fait miroiter un passeport pour son voyage. Sa méchanceté n’a cependant d’égale que son cynisme. Les choses vont empirer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Certains se souviennent peut-être d'une des premières bandes dessinées entièrement réalisée sur informatique. L’œuvre de l'allemand Mickaël Götze : l'Empire des robots (Glénat 1990). L'impression était alors partagée entre admiration et questionnement. Depuis, le numérique a pris le pas sur le dessin au crayon, mais reste souvent une impression de trait, la plupart du temps assez rond pour donner le change. Là, pas question de repères classiques et de canons de beauté bien seyant. A l'image de ce qu'a pu produire Martin Panchaud avec son déstabilisant roman graphique pourtant multi primé La couleur des choses, où seules des petites formes simples vues de haut servent de protagonistes, Lukacz Wojciechowski propose depuis 2020 et son premier album Ville nouvelle une poésie toute personnelle, elle aussi très géométrique. On n'y trouve presque pas d'espaces inter iconiques, mais la vie et l'émotion qui ressortent de ces silhouettes et de ces formes fines parfois dupliquées à l'envi, car réalisées sous Autocad®, sans aplats de noir venant équilibrer ce « vide », sont proportionnellement aussi grandes que ce dernier. L'histoire, tirée de faits réels et familiaux, est excellente, et les dialogues sont justes et humains. Loin de Paris évoque la difficulté de vivre dans un pays, un village, une époque, vides, tristes, en comparaison d'autres endroits, comme Paris. Et l’on ressort abrutis, sinon exsangues, de cette nouvelle expérience romanesque avant tout. Si une promesse est tenue dans ce bon roman graphique, c'est celle de l'auteur, d'avoir su rendre un hommage sincère et émouvant à sa grand-mère, qui aura cru à des lendemains qui chantent. De la grande œuvre, à ne pas mésestimer.