L'histoire :
Marc et Astrid viennent de se séparer et cette dernière peine à retrouver le cours normal de sa vie. Elle ne désespère d'ailleurs pas son retour, bien que ce dernier ne donne plus signe de vie. Elle tourne en rond dans leur appartement, se heurtant à tous les signes de sa présence, dont ses sous-vêtements, l'album photo du dernier été et son lapin domestique. La danse, pour laquelle elle se prépare à un concours, lui offre une sorte de bulle d'oxygène, tandis qu'elle hésite, sans motivation, à débuter une relation lesbienne. De son côté, suite à une soirée arrosée, Marc se réveille dans une maison inconnue, chez une femme mystérieuse, Barbara, qui vient de se faire voler une pierre précieuse par son frère et demande à Marc de poursuivre les voleurs, dans un monde fantastique...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ana Sainz Quesada, le vrai patronyme de l'autrice catalane Anapurna, met beaucoup d'elle-même dans le portrait d'Astrid et son désespoir, cela est palpable. Non seulement le ton est juste, bourré de petits détails vécus, mais sa mise en page est inventive, multipliant les angles, les points de vue. Son trait fin, sans doute réalisé numériquement, tout comme les couleurs, imitent le crayon. Les tons sont froids, oscillant entre marron et vert clair, et les dialogues percutants, intéressants, profonds, poétiques même. Maria est très belle (nue) mais elle se dissimule sous un chignon, des lunettes et des vêtements peu avantageux, comme si elle se réservait pour son grand amour. Côté face, le réveil de Marc, jeune homme barbu et roux, suit une sorte de vision. Les couleurs tout comme les décors sont plus denses, tels une jungle luxuriante. Mais à l'inverse du côté pile, nul dialogue. Les paroles échangées le sont sous forme de textes attachés aux vignettes et cela a du sens, comme dans un rêve où l'on parlerait pour nous. Ce conte fantastique jure avec le côté opposé et lui répond pleinement seulement lors de l'épilogue, car peu d'indices, sinon, nous sont donnés. On suit le couple étrange dans un scénario à la fois intriguant et plein de suspens. Tout cela est fascinant. Anapurna, pour son deuxième roman graphique, a réalisé un ouvrage ambitieux, à la coloration très féministe, sur les thèmes de la séparation et du deuil obligé, dans un style graphique moderne d'une beauté froide, qui ne devrait pas vous laisser indifférent. « Norbu » en tibétain signifie « joyau ». Ça tombe bien, c’en est un.
