L'histoire :
Le 18 juillet 1995, une centaine de jeunes ont été blessés et trois adolescents ont trouvé la mort dans un gigantesque mouvement de foule lors du festival de musique d’Arad, qui a lieu chaque année dans cette ville de l’Est d’Israël. Gilad Seliktar, qui avait alors 18 ans, a vécu ces évènements. Il se remémore cette journée, son arrivée à Arad avec des amis, ses déambulations sur les pelouses de la ville, sa rencontre avec un groupe de jeunes de Haïfa et le moment où il fait connaissance avec Nathalie ; avant que l’optimisme ne laisse la place à la tragédie...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On entre d'abord par le dessin dans cet album. De l'encre de chine répartie de manière délicate, sans cadre oppressant, sous forme de deux grandes images par page. Presque des croquis, s'ils n'étaient pas encrés. Une prouesse narrative lorgnant précisément du côté « carnet de concert ». Car c'est de cela qu'il s'agit : retransmette les ambiances d'une fête, et même d'une « avant fête ». Puisqu'un accident va chambouler les bons moments passés. Là, la couleur fait son apparition, d'abord subrepticement, en page 121, sous la forme d'une couleur magenta dans la main du jeune homme, puis par couches différentes, plus ou moins évasives, plus ou moins liquides, un peu partout sur les planches, évoquant le drame vécu. Psychologiquement et physiquement. C'est tout l'attrait de ce roman graphique, tendre et poignant à la fois, d'un auteur découvert en France dès 2008 chez le même éditeur avec Ferme 54. Car Gilad Seliktar arrive à évoquer une sorte d'indicible, avec assez peu de mots, finalement, mais beaucoup d'expressions. Au début, les visages sont tels des flots se touchant, puis refluant. Ensuite, la cohue se manifeste sous forme de vagues d'encre noire livrées à elles-mêmes, épaisses, anarchiques et devenues violentes. Puis le calme revient enfin, offrant un nouvel espace où les corps peuvent se retrouver. Un ouvrage beau comme un premier baiser.