L'histoire :
Bleu : Avelino Sanchez, boiteux qui parfois ne boite plus, travaille au musée du Prado, en 1963, à Madrid. A quelques années de sa retraite, c’est un homme jovial, vivant dans un univers délétère avec sa sœur et son empailleur de beau-frère qui travaille pour l’armée franquiste. Au musée, il rencontre un apprenti peintre à qui il prépare une Queimada, boisson galicienne associée à une incantation qui invoque les sorcières…
Jaune : Francisco Granado, espagnol, vit en France avec sa femme et son enfant, forgeron. Condamné par une maladie, il décide de consacrer les derniers temps de sa vie à la mort de Franco. Militant à la DI, la Défense Intérieure, mouvement anarchiste activiste, il a pour mission de transporter à Madrid des explosifs pour un attentat.
Rouge : Mariano Medina est météorologue sur une grande chaîne espagnole, narrateur malgré lui du Bec des Corbeaux.
Chaque groupe de personnages porte sa couleur et participe à l’Histoire qui, entre mai et août 1963, cherche à abattre Franco...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bleu, jaune, rouge, puis vert : les couleurs des planches se relaient puis se mêlent afin de nous donner le code d’une narration fragmentée. Les personnages, qui intègrent la partie les uns après les autres, trouvent leur place dans l’une de ces teintes, jusqu’à former un réseau complexe, à l’image de l’organisation clandestine à laquelle l’auteur cherche à rendre justice. Dans une confusion qui ne tend qu’à se résoudre avec le dossier liminaire fournissant les biographies, dates, plans des acteurs et événements liés à cet attentat raté contre Franco, le lecteur lui-même se perd au cours de l’histoire dans les identités et les rôles de chacun. Un peu dommage… Surtout que Mikel Begona et Inaket mêlent à ce récit historique des symboles, des références picturales et littéraires qui appelle à interprétations… Les animaux (loups, corbeaux, taureaux) portent la violence du combat politique : entre anarchistes et franquistes, on montre les dents, on chasse, on tue et on finit par se faire becqueter par des charognards. L’horreur de l’oppression est appuyée par l’omniprésence dans l’œuvre de l’Inquisition, cette institution catholique espagnole qui avait en charge d’enquêter et de condamner toute forme d’hérésie. Goya, au cœur du récit, ne serait-il pas alors une figure paternelle, fraternelle, qui a usé du pouvoir des images pour lutter contre cet autoritarisme absolu ? Et les trois sorcières, qui traversent les planches, les « sœurs fatidiques » toutes droit venues du Macbeth de Shakespeare, n’évoquent-elles pas, elles aussi, la dérive despotique du roi, à l’image de l’Eglise comme de Franco ? Mikel Begona et Inaket placent donc les acteurs de cet attentat au sein d’une Histoire espagnole de lutte contre des tyrans. Des moulins à vent ? Comme ceux de Don Quichotte, évoqué avec humour dans les adresses au lecteur de début de chapitre ? Le lecteur est interpellé également par le narrateur / météorologue qui semble avoir d’autres choses à faire, dans ce franquisme en plein essor économique… Nous voilà donc sollicités par bien des aspects dans cette bande dessinée qui nous enveloppe de cette mémoire collective espagnole, mais nous perd aussi dans ses complexités, ses confusions. A lire, concentré(e) !