L'histoire :
Ignacio (contrebassiste et contrôleur municipal de briquets), Anatole (batteur et cryptographe de seconde classe), Sebastian (saxophoniste et denteleur de timbres) et Idalio (pianiste et vérificateur météorologique), les membres du plus mauvais groupe du monde, reviennent sur le devant de la scène, une ville américaine des années 50. Ils sont escortés de leur paranoïa, de leurs angoisses existentielles et de leur persistante nostalgie. Ainsi, un groupe d'hommes et de femmes se réunissent tous les samedis pour réparer le mal causé par leur critiques. Ils espèrent que leurs victimes (écrivains, auteurs, artistes) accepteront leurs excuses, pardonneront leur rigueur excessive et leur intransigeance... Ailleurs, Casimir Vogel mène un projet de relevé cartographique de l'angoisse. Le résultat sera déconcertant... Arlindo Kolchak, ophtalmologue, rêve d'être acclamé par une foule en délire au retour d'une tournée triomphale à l'étranger. Résultat : en à peine une semaine a-t-il traité avec succès 18 cataractes, 6 décollements de rétine et 20 conjonctivites... Golijov, quant à lui, a travaillé 35 ans au service du régime du général Globokar, dictateur à vie de la Patagonie. Son travail consistait à retoucher les photos officielles de manière à supprimer les figures publiques tombées en disgrâce aux yeux du régime... Mais il va hélas s'emmêler les pinceaux...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le succès critique et public rencontré par les deux tomes précédents (six volumes regroupés dans trois livres), l'auteur portugais José-Carlos Fernandes achève une trilogie de l'absurde qui aura su s'imposer comme l'une des bonnes surprises de ces dernières années. Si tout paraît réaliste dans ces courtes nouvelles de deux pages, c'est pour mieux creuser l'idée du non-sens de la vie par un humour noir jubilatoire, toujours à bonne distance entre l'extrême sérieux de la voix-off ou des dialogues, et l'absurdité de la situation décrite : un rédacteur de lettres de suicide qui travaille pour un projet de relevé cartographique de l'angoisse, un justicier de la poésie, un collectionneur de tickets de files d'attente, une impossible VPC de cachalots, une brigade des homicides siamois, des affabulateurs qui s'inventent des vies extraordinaires... Le lecteur fera aussi connaissance avec le Mouvement de libération cynophobe et visitera le bureau du recadrage historique, lieu où l'on réécrit l'Histoire de la Patagonie... Résultat : le monde décliné, théâtre un peu fou de personnages excentriques, navigue aux frontières de la poésie, du non-sens et de l'humour, Fernandes abordant la solitude d'êtres qui cherchent à « rentabiliser leur existence » en donnant du sens à leur vie, et sonde aussi leur égarement, leurs errances et leur désarroi. Ainsi l'auteur réussit-il à communiquer l'inexplicable par une fantaisie d'une richesse étonnante, doublée d'un sens de l'écriture suscitant l'admiration. Bref, une trilogie farfelue, intelligente et douce-amère, d'une drôlerie pince-sans-rire, riche de 46 histoires aussi fascinantes que poétiques.