L'histoire :
Il fallait imaginer un monument qui serait, au cœur de Paris, le clou de l'exposition universelle de Paris en 1889. « Pour un clou, c'est un sacré clou », déclare le président du conseil lors d'une promenade en bateau au pied du monument qui vient d'être inauguré. Fort heureusement pour l'homme politique, il est prévu de démonter le monument dès la fin de l'exposition. Le concepteur de la tour, l'ingénieur Gustave Eiffel, est déjà un entrepreneur de renom lorsqu'il propose son projet fou qui provoque de violentes polémiques dans les journaux. La statue de la liberté de New York a bénéficié du savoir-faire de ses collaborateurs, tous très brillants. Les ponts et les passerelles aux structures métalliques qu'il a construits sont tous des réalisations remarquées. Initiée comme un nouveau projet industriel par son équipe, la tour Eiffel ne deviendra un élégant monument que grâce à la touche finale que Gustave donnera lui-même à la silhouette de la dame de fer. Il puise dans son enfance les premières émotions qu'il a ressenties auprès de sa cousine Alice dont il reste très amoureux. Malgré une vie familiale réussie, il marque avec elle les moments les plus importants de sa carrière. La tour devra d'une certaine manière être un hommage à cette femme avec qui il n'aura pas pu passer sa vie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A la lecture de cette biographie romancée, on découvre avec grand intérêt comment un monument devenu l'icone absolue de Paris est né. On réalise le mélange de culot, d'ambition personnelle et d'insouciance qu'il a fallu pour qu'il voie le jour. Le personnage de Gustave Eiffel, dont le nom de famille d'origine est Bönickhausen, est incarné par un homme ambitieux qui lutte contre une forme de mépris des élites intellectuelles de son temps. Sa réussite industrielle fait parfois la Une des journaux à scandales, notamment lors de la ruine de petits épargnants autour du projet du canal de Panama. Eiffel n'est pas un ange, ni un philanthrope, mais un entrepreneur à l'ego très développé, qui a soif de reconnaissance et qui veut marquer son temps. On plonge dans une époque où la presse écrite joue un rôle considérable, utilisée par tout ce que la société compte d'autorités artistiques, mais aussi par des plumes ouvertement antisémites. La vie familiale de l'entrepreneur et son amour pour sa cousine Alice sont joliment mis en scène pour donner une touche romantique à la création de son œuvre majeure. On regarde tous les débats de cette époque avec l'évidence du jugement actuel sur le monument. La résistance de tous ceux qui imaginaient Paris défigurée amuse autant qu'elle fait réfléchir sur le conservatisme qui pourrait aussi être le notre dans d'autres circonstances. On se rappelle peut-être, toutes proportions gardées, de la Pyramide du Louvre. La partition graphique de Xavier Coste avec de belles séquences de couleurs fondues apporte énormément au récit. Elle incarne le parti-pris des auteurs sur la beauté du monument malgré tout, ce qui permet d'autant plus au scénario de Martin Trystram de n'être pas purement élogieux sur Gustave Eiffel. C'est donc un joli plongeon dans le temps, suffisamment long pour qu'on se laisse prendre par une mise en scène originale.