L'histoire :
1943, l’Europe est en guerre. Malgré son piètre patriotisme, Martin a été rapatrié en Allemagne, pour servir la Wehrmacht. Il est désormais lieutenant, affecté à un poste administratif dans le sud-est de la France. Il voit souvent Katarina, toujours compagne de l’avocat Xavier Gance, avec qui il partage une profonde aversion pour l’idéologie nazi. Il retourne chez lui, le temps d’enterrer un père avec qui il ne partageait pas grand-chose, puis reprend son service en France. Il ignore toujours qu’il est papa d’une petite fille de 3 ans, Alicia ! Maria, la maman, n’a pas revu Martin depuis ce douloureux mois de septembre 1939, époque à laquelle tous deux furent expulsés de France. Elle est maintenant secrétaire médicale en Rhénanie, près de Coblence, au service du docteur Bruhl, veuf récent. Comme partout dans le pays, le climat est à la suspicion, à la délation… Certains critiquent la politique du Führer, d’autres lui vouent presque un culte. A la menuiserie où travaille Otto Bruhl, fils du docteur, un employé licencié dénonce son patron pour manque de patriotisme. Après une enquête musclée de la Gestapo, ce dernier est jugé et condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement ! Otto prend donc la direction de l’usine… le jour. Car le soir et la nuit, dans le plus grand secret, il s’occupe de dupliquer et de diffuser de la propagande anti nazi. Il est appuyé dans cette démarche par Maria…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A la romance sur fond d’entre-deux-guerres, succède logiquement une chronique de guerre, plus sombre mais tout aussi somptueuse. Le scénariste Jean-Philippe Richelle découpe ce 3e volet en deux temps, alimentés par la situation de nos personnages au terme d’une ellipse narrative de quatre années (depuis la fin tragique du précédent opus). Dans une brève première partie, nous suivons Martin, officier malgré lui au service d’un régime qui le débecte. Puis, volontairement sans lien, à travers le quotidien de Maria, nous baignons dans un climat social détestable. En Rhénanie, la délation de son pair est encouragée, nul n’est à l’abri d’une descente de la terrible Gestapo. A travers les destins tourmentés des personnages, Beuriot pose des questions intéressantes. Le civisme « aveugle » à l’allemande était-il donc un terreau favorable à ce type de régime paranoïaque et totalitaire ? Et le non-dit se fait accablant : êtes-vous certains qu’à l’époque, vous auriez été du côté de nos héros ? Sans doute est-ce à ce prix que nos peuples ont gagné leur liberté d’opinion… La chronique historique se double d’un regard sociologique d’une belle maturité. En marge de dialogues soignés, se greffe une nouvelle fois le trait délicat et élégant de Jean-Michel Beuriot, parfaitement adapté au « classicisme » du récit. Peut-être un léger effort aurait pu être porté sur certains visages (notamment la forme des bouches ou les traits de la petite Alicia, systématiquement loupés). Sans dévoiler l’issue de ce 3e épisode (à couper le souffle), on peut néanmoins avouer qu’un personnage clé atteint cette fois son terminus. Est-ce ici la fin de l’aventure ? En tout cas, l’épilogue glacial faisant face à la dernière planche clôt assurément un cycle…