L'histoire :
Paris, décembre 1938. Suite aux mutations politiques qui assombrissent son pays, Katarina, jeune allemande d’origine juive, a fuit l’Allemagne pour venir étudier à Paris. De son côté, Martin suit curieusement le même itinéraire, prétextant un vague doctorat pour faire d’une pierre deux coups : fuir le régime nazi qu’il exècre et vivre au plus près de celle qu’il aime secrètement. Il habite alors en colocation avec un couple d’amis allemands, Henry, comédien en recherche permanente de cachet, et Maria, diplômée salariée avec un bas salaire. Responsable de bien des engueulades, la précarité de la situation a raison de la présence de Martin, qui profite de son salaire de secrétaire particulier pour s’installer seul. A cette époque, dans l’opinion publique, les convictions politiques se télescopent violemment. Soit on soutient la politique des nazis en s’appuyant sur le « nouvel ordre » venu d’outre Rhin, soit on est taxé de communiste. Martin, lui, sait rester discret pour éviter les ennuis. Et en fréquentant les milieux intellectuels et artistiques, ceux-là mêmes où évolue Katarina, il pense éviter les discours démagos…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Est-ce une chronique sociale des années 40 sur fond de romance ou une histoire romantique sur fond de seconde guerre mondiale ? Toujours est-il que ces deux aspects sont une nouvelle fois intimement liés dans cette fresque historico-sentimentale absolument exceptionnelle. Voilà déjà 5 ans que le premier volume de 80 pages est sorti, récoltant au passage un flot d’appréciations dithyrambiques (méritées). Philippe Richelle nous y livrait la naissance d’un amour transi, nous plongeant alors avec une rare authenticité dans la montée du nazisme, vue de l’Allemagne, à la fin des années 30. Dans ce second volume de 54 planches, changement de décors mais pas de mentalités. Martin et Katarina continuent leur chassé croisé à Paris, alors qu’Hitler est sur le point de déclarer la guerre à la Pologne, étincelle qui fit replonger l’Europe toute entière dans l’horreur. A mesure que les tensions internationales se complexifient, les personnages entretiennent des rapports de plus en plus ambigus. Faut-il voir dans ces Amours fragiles une métaphore sur les limites de nos démocraties dites modernes ? Une nouvelle fois, Richelle se surpasse dans les dialogues, dans la retranscription des mentalités de l’époque, se livrant par là même à une subtile peinture des failles de la condition humaine. Graphiquement, Jean-Michel Beuriot applique un dessin classique à la ligne claire, fin et classieux dans ses moindres détails, encore plus abouti dans la finition. S’il faut attendre à nouveau 5 ans pour lire une suite de cette qualité (4 tomes sont au programme), on prendra volontiers notre mal en patience…
