L'histoire :
A 18h59, il fait déjà nuit lorsqu’un retardataire passe furtivement une main sous la grille descendante du boulanger. Monsieur Dampois sursaute ! Mais le commerçant est bien aimable et accepte de servir ce client qu’il connaît bien, monsieur Carasse. Or, tandis que Dampois a le dos tourné pour trancher le pain de mie, Carasse assomme le boulanger d’un violent coup de marteau. Il ferme alors la boutique à sa place, éteint les lumières et achève sauvagement le boulanger à grands coups de marteau. Ce faisant, il lui explique qu’il n’a rien contre lui, mais qu’il a eu la déveine de s’entretenir avec « elle » et qu’il ne peut dès lors pas le laisser en vie. Carasse rentre ensuite chez lui, apaisé. Il lave et range consciencieusement son marteau et descend à la cave. Dans l’obscurité d’une petite pièce exigüe, il se confesse de son acte coupable à une jeune femme allongée là, lascive. Le lendemain, l’enquête est confiée au lieutenant de police Richard Wimms. Lui trimballe une profonde mélancolie, qu’il cache de son mieux à son entourage. Le premier témoin interrogé, une mamie qui promenait son caniche, le met directement sur la piste d’une plaque d’immatriculation appartenant à un habitant du quartier, un dénommé Carasse. Le policier s’y rend aussitôt, seul. Il est alors accueilli par une jeune femme souriante qui lave une voiture garée le long du trottoir. C’est Appoline…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aaah ça faisait longtemps que Jean-David Morvan ne s’était plus aventuré sur les terres du sordide ! Et question glauque, avec Appoline, vous allez être servi ! Ce polar aux accents sociaux évolue en marge des stéréotypes du genre. Primo, le meurtrier (« techniquement » parlant) est d’emblée connu du lecteur, ce qui empêche l’intrigue de se calquer sur la progression de l’enquête. Secundo, à l’instar de ce personnage pâtissant d’une carence sociale et affective sévère, le flic présente lui aussi une faille psychologique démentielle, qui frôle l’incompatibilité de la fonction. Tertio, le personnage d’Appoline, de loin le plus intéressant, se pose en contrepied de tout manichéisme. Au final qui est victime, qui est coupable ? Difficile d’en dire plus sur le fond de la problématique et le schéma narratif sans déflorer le suspens… Disons juste qu’en scénariste expérimenté, Morvan ose une alternative non-politiquement correcte au pathos d’ordinaire de rigueur concernant le sujet des enfants disparus (il va se faire des « amis » au sein des associations de parents de victimes…). Empruntant un découpage méticuleux, il s’appuie pour cela sur le dessin réaliste de TBC, parfaitement adapté au registre. Sur un style sobre mais avec une grande précision, le slovène manie les proportions, les angles et les profondeurs avec aisance, de même que les scènes d’actions dynamiques et saisissantes. A déconseiller fortement aux âmes prudes et sensibles (surtout la planche 59 !)…