L'histoire :
Un jour de novembre, une femme arrive en voiture dans un hameau vallonné de Galice (Espagne). Elle pénètre dans l’unique bistrot du patelin, où sont installés quatre indéboulonnables petits vieux en train de jouer aux cartes. Tout en commandant un café, elle apprend à la propriétaire des lieux qu’elle recherche un ami de son grand-père, un de ceux qui auraient jadis émigré en Amérique. Elle essaie de reconstituer les souvenirs de sa famille et lance sa requête à l’attention des joueurs de cartes. Ces informations n’ont guère l’air de susciter un quelconque écho chez eux… Seul l’un d’eux l’envoie questionner le vieux Fidel, un homme qui vit isolé dans une masure en hauteur du village et qui aurait beaucoup voyagé, notamment à Cuba. La femme, prénommée Sabela, décide de prendre une chambre dans cette auberge et d’aller interroger ledit Fidel. Sitôt la porte refermé, l’un des vieux, au regard teigneux, ronchonne. Que vient fiche cette étrangère dans son pré carré ? Elle est sans doute u par une quête d’héritage… Sabela, elle, va toquer à la porte de Fidel. Celui-ci est accueillant mais il n’a visiblement plus toute sa tête. Il mélange ses souvenirs et n’est même pas certain d’avoir vécu à Cuba. Pourtant, l’espoir de glaner des infos incite Sabela à s’accrocher quelques jours à ses témoignages : avec le temps, peut-être ses souvenirs se préciseront-ils ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Commençons par définir l’Ardalen, ce vent suroît (venu du sud-ouest) chargé d’iode, soufflant de l’Atlantique vers les terres. La légende voudrait qu’il naisse sur les côtes américaines pour finir en Europe. Dans cet interminable roman graphique, Miguelanxo Prado lui fait charrier les souvenirs d’un homme défunt à Cuba, jusque dans la mémoire d’un autre homme atteint d’Alzheimer en Espagne. Pour dérouler ce synopsis finalement tout simple, Prado utilise plus de 250 pages, réparties en 9 chapitres entrecoupés de documents administratifs, de courriers, d’articles scientifiques sur le fonctionnement de la mémoire, la notion du temps ou les baleines… Autant d’annexes venant étayer son récit. Pour être sincère, ce parti-pris original est certes intéressant, mais un peu laborieux. Il passe par beaucoup d’itérations et de palabres sans cesse renouvelés. Cela dit, Prado brouille la piste de son intention en faisant légèrement monter la tension avec les velléités d’un vieux aigri et jaloux… En outre, on ne s’ennuie jamais car le dessin est de toute beauté. Prado semble être encore monté d’un cran dans la finition d’un style en couleurs directes d’une grande maîtrise et d’une belle régularité. Les moindres rides de ses personnages sont attachantes et incroyablement vivantes. Souvent nimbé d’un onirisme maritime (l’ambiance mentale de Fidel), les décors de ce coin de nature automnale ne sont pas en reste, et confèrent une tonalité lyrique à cet étonnant roman graphique.