L'histoire :
Denise Baudu arrive à Paris de son Cotentin natal. Bousculée de toutes parts dans la rue par des gens peu soucieux des autres, elle a dans ses bagages ses deux frères dont elle a la charge. Pleine d’espoir, elle se dirige chez son oncle Baudu, qui lui avait promis du travail, un an auparavant. Mais en un an, tout a changé. Le grand magasin de chiffons, Au bonheur des dames, prend toute la place et vole la clientèle des petits magasins du pâté de maison. L’oncle peut à peine subvenir aux besoins de sa propre famille. Sa femme et sa fille sont d’une maigreur cadavérique. En face, avec 19 rayons et plus de 400 employés, le grand magasin d’Octave Mouret est en train de dévorer le quartier. Alors que Denise doit trouver un emploi, pour faire vivre ses deux frères, Octave Mouret lui, explique ses vues à son second, Bourdoncle : il veut s’agrandir, encore et toujours, bouger, ne jamais rester immobile, ne se contenter de rien. Il compte sur la femme, qui est au centre de ses visées. Même s’il vend aussi des draps d’homme, il vend surtout de la beauté et du rêve à la femme. Il lui propose de retrouver son statut perdu de déesse, qu’elle soit belle ou même laide… Mal fagotée, mal coiffée, disgracieuse mais d’une beauté simple et diaphane, Denise attire l’œil de Mouret, qui l’embauche...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Zola est à la mode. Après les excellents La Curée et Pot-Bouille du tandem Stalner / Simon chez les Arènes, c’est au tour d’Agnès Maupré, chez Casterman, de s’y coller avec ce Bonheur des Dames qui est la suite de Pot-Bouille dans la saga des Rougon-Macquart. L’illustratrice marseillo-havraise est une habituée des adaptations, après les Contes du chat perché et un Tristan et Iseult décalé. Sur cette base de Zola, elle tape désormais dans le roman naturaliste, avec bonheur. Zola est à la mode... Ça tombe bien, il est d’une actualité brûlante. Mesquineries, petites gens prêts à écraser leurs congénères pour des miettes, folie du consumérisme, impunité des patrons, ce Bonheur dénonce des maux qui existent toujours de nos jours, probablement exacerbés. Mais à la différence de Pot-Bouille, sombre et désenchanté, il reste ici un peu d’espoir avec un Mouret finalement plus humain que ce qu’il y paraît, et surtout une madone, une icône de la frugalité, de l’estime de soi et du respect des autres. Quelle formidable héroïne que cette Denise. Quel caractère d’airain dans un corps frêle ! Quelle bienveillance derrière des airs austères… Agnès Maupré centre son adaptation sur Denise et en fait une lumière d’humanité dans le maelström du Bonheur. L’adaptation est affaire de choix, et la palette de portraits diaboliques de Zola ne peut être collée sur une BD. Le parti-pris de Maupré est proprement lumineux et offre au roman d’amour que Le bonheur des dames est aussi une seconde jeunesse. Une vraie belle réussite.