L'histoire :
Los Angeles, de nos jours. Sous un pont, des gamins trouvent une bagnole pourrie avec un type dedans. Le type se réveille et les fait dégager. Il n’est pas frais, il a encore « abusé », la veille. Un coup de fil le rappelle à la réalité. Mais avant de se mettre en action, un rail de coke, les lunettes noires et… le gyrophare. Car Jake est flic, le ripou dans toute sa splendeur. Il rejoint son collègue aux portes d’une église, dans un quartier latinos. Une religieuse a été violée et tabassée à mort. Leur piste : des objets du culte qui ont été dérobés. Jake a déjà la tête ailleurs. Ce n’est pas la brève entrevue avec le père Ramos, qui semble parfaitement le connaître, qui l’émeut. Il prend un hamburger dans un snack, avec son collègue, qui le sermonne sur sa déchéance, quand un autre coup de fil l'interrompt. Il repart, seul : un de ses indics, Sera, une pute, s’est faite cogner par son proxénète, parce qu’elle serait tombée enceinte. Il la soigne, tendrement, lui file un peu de réconfort, un peu de blé, un peu de coke… et mérite sa petite gâterie. Il ignore qu’il est alors surveillé au téléobjectif par la police des polices…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre et le visage du héros dans le rétroviseur de la couverture, font un instant penser à Jack Nicholson… Mais dès les premières pages, on s’aperçoit qu’il s’agit plutôt d’Harvey Keitel, dans le rôle du Bad lieutenant d’Abel Ferrara. Flic corrompu jusqu’à la moelle, toxicomane, héroïnomane, engagé sur une pente sévèrement infernale, Jake fonce tout droit dans le mur. Ceux qui se souviennent du film Bad lieutenant liront en Jake le strict comportement d’Harvey Keitel : les mêmes regards, le même mépris pour son job et sa condition, la même hargne intérieure… Le plagia est évident, mais encore fallait-il correctement le mettre en relief, et en ce sens, c’est réussi. L’auteur, Will Argunas, joue parfaitement et lentement avec la psychologie du personnage et le rythme lent de sa déchéance. Les temps de l’intrigue sont habilement entremêlées : présent, flashbacks, épilogue… et un climax quand, à mi-parcours, Jake touche violemment le fond (on ne peut tomber plus bas). A ce moment, Argunas fait bifurquer son intrigue (au départ, l’enquête sur le viol d’une religieuse colle à la trame de Bad lieutenant) vers d’autres perspectives, autrement plus sordides. Il se rapproche alors d’un autre film : The offense (film méconnu de 1972 de Sydney Lumet, avec Sean Connery, diffusé en France pour la première fois en… 2007 !). Pour son one-shot, Arnugas s’est donc énormément imprégné du 7e art qui lorgne sur les flics véreux. Jusqu’à lister les 12 pires salopards en la matière, en annexe du l’album (Copland, LA Confidential…). Si le dessin semblera « tourmenté » aux puristes, amateurs de beaux traits, il faut reconnaître que le style est régulier et maîtrisé sur les 156 planches. Un peul sale, un peu trash, il colle parfaitement à l’atmosphère. Un bonheur pour les amateurs des voyages aux tréfonds de l’âme humaine…