L'histoire :
A Anvers, madame Bouvaert négocie âprement et avec véhémence un sac de laurier à un vendeur peu scrupuleux, qu’elle envoie sur les roses. Son fils, penché sur un livre, n’a rien suivi. Après l’avoir rabroué, elle lui demande des nouvelles de son frère, parti à Mantoue. Le duc de Mantoue s’adresse au portrait d’une femme qu’il appelle « polissonne ». Il félicite l’auteur du tableau, le jeune Bouvaert, sur la qualité de sa chair. Pourtant, il refuse au jeune homme la liberté d’aller étudier les peintres classiques à Rome. Il préfère le garder près de sa cour afin de lui présenter la jeune comtesse d’Urbino. Désespéré, Bouvaert se confie à son ami Magini, cartographe qui fait étudier le latin aux enfants du duc dans les jardins. Il étouffe dans ce qu’il considère comme un « trou », ce qui fait sourire son ami, plus vieux et plus sage. Magini pense que le jeune homme est prétentieux et lui conseille de s’adresser à d’autres personnes pour évoluer. Mais Bouvaert ne l’écoute déjà plus, happé par une serveuse de bar…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Simon Spruyt continue son parcours d’artiste décalé avec un nouvel exercice qui exerce son sens de la satire. Jan Bouvaert est un peintre imaginaire qui ressemble par bien des façons à Rubens, peintre flamand du XVIème siècle. Spruyt s’est énormément documenté sur le « peintre de la chair », et propose une revisite intelligente, drôle et décalée du personnage, à qui il invente un frère ascétique, besogneux et velléitaire à la fois. La mort de leur mère lie les deux jeunes hommes et, même si c’est Pieter, l’écrivain d’une ode à l’âne, le fidèle qui a veillé sa mère, respectueux et porteur des valeurs protestantes, souvent rigides, qui présente son frère à la grande bourgeoisie d’Anvers, c’est bien Jan, plus imbu de sa personne, plus individualiste et volage, qui va prendre de l’importance et acquérir de la notoriété. C’est une réflexion désenchantée, ironique, sur le sens de la vie d’artiste. Le choix d’un frère qui fait un éloge paradoxal de l’âne est peut-être à la base de l’album, puisque Spruyt avait travaillé sur cette élégie alors qu’il était étudiant. L’auteur s’appelait Godfried… Bouvaert. Spruyt cultive le décalage et le non-dit, la subtilité jusque dans son dessin au crayon noir et gras, coloré aux aquarelles puis aux aplats numériques. Cela donne des couleurs chatoyantes qui rappellent la sensualité du sujet dont on ne parle pas vraiment, puisque d’après l’auteur, « toute ressemblance » etc. Fin, drôle, bien fait, agréable à lire, voilà un album qui ravira les amateurs de peinture et / ou d’histoire.