L'histoire :
Dans un avenir proche, urbain, pollué, décadent et morose, les taux de délinquance et de criminalité ont été galopants, à la vitesse du chômage de masse. La violence est telle que la police est désormais incapable de protéger la totalité des citoyens. L’austère ministre de l’intérieur Salvanty a donc fait voter une loi volontairement discriminatoire : seuls les citoyens les plus « viables », c’est à dire ceux qui ont un coefficient de santé supérieur à 22,23% (un ratio en constant réajustement) ont le droit de demander assistance aux forces de police. Ceux-là doivent toujours porter sur eux leur carton bleu ; les autres HPSP (Hors Protection de Services de Police) sont porteurs d’un carton blême. Dans ce contexte abominable, le divisionnaire Paul Héclans a été promu à la tête de la BCUI (Brigade Criminelle Urbaine d’Intervention). Il est jeune, dynamique et a un coefficient de santé de 93%. Il enquête sur un mystérieux « tueur au marteau », qui vient de défoncer le crâne d’une 10ème victime. Mais il y a quelque chose de curieux concernant ce nouveau cadavre. En effet, la victime avait eu le temps d’appeler la police et une intervention lui avait été refusée, car elle avait avoué porter un carton blême. Or l’autopsie révèle en elle un coefficient de santé minimum de 87 ! Y a-t-il eu négligence médicale… ou malversation administrative ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir adapté Trouille dans la même collection Rivages/noir, Jean-Hugues Oppel adapte cette fois le polar d’anticipation noire de Pierre Siniac, sur un dessin signé Boris Beuzelin. Pour coller au ton obscur de ce contexte déliquescent d’anticipation urbaine, Beuzelin rehausse son encrage d’un lavis quadrichromique aux teintes froides, pour un traitement un brin plus nerveux et réaliste (polar noir oblige) que ses récents Narval et Mako. L’idée centrale et directrice de l’ouvrage vient d’une décision politique néo-fasciste lourde : ici, l’assistance policière est réservée à la catégorie des gens en bonne santé (les cartons bleus). La population appartenant à la seconde catégorie (les cartons blêmes) peut crever… et si on menace cette loi, on se retrouve curieusement vite dans cette seconde catégorie… Ce concept politique vous paraitra quelque peu manichéen et de fait, il l’est ! D’ailleurs, sa mise en pratique laisse volontairement de côté sa principale invraisemblance : les citoyens ne s’insurgent-ils donc pas contre cette décision qui menace directement leurs ainés, dont la santé va, par définition, déclinant ? Retenons donc surtout ici la face émergée du propos d’anticipation : peut-on assurer la cohésion sociale d’une démographie galopante ? En ce sens, le polar soulève moult questions de civilisation. Retenons aussi l’efficacité des scènes d’action finales, plutôt haletante et le climat d’oppression croissante typique du thriller.