L'histoire :
Des vacances, tu parles ! Bon, pour être tout à fait honnête, le Commandant Edgar Cohen – dit Achab – et son adjoint Karim Al-Misri étaient loin d’être allés au Havre pour le farniente et le punch-coco. Non, l’idée était plutôt d’éclairer le passé, en se rendant dans la dernière demeure – la prison de cette douce cité Normande – de Fath, le papa de Karim, un ex-voyou et un ex-ami d’enfance d’Achab. Bref, de quoi, pour le fiston, comprendre pourquoi et comment son père était tombé sous les balles de son ancien copain. Néanmoins, quelques meurtres s’invitent très rapidement, qui conduisent notre tandem sur la piste du meurtrier. Surtout, ils comprennent bien vite ses motivations : punir ceux qui ont décidé de « normaliser » sexuellement leur enfant, né asexué par un caprice du destin. Il ne suffit pas pour autant de savoir de qui il s’agit. Encore faut-il aussi être capable de lui passer les menottes. D’autant que le bonhomme aime peu qu’on se mette en travers de ses projets : Cohen l’apprend bien vite également. Loin de se décourager, cependant, les deux policiers poursuivent leur traque en direction de Grandcamp-Maisy, une commune de la côte à une centaine de kilomètres du Havre. Il s’agit là de la ville d’enfance du suspect et la gendarmerie vient de signaler la toute récente disparition de son bateau. Bientôt, une fouille en règle de sa maison met entre les mains d’Achab et de Karim un vieux cliché. Une photo qui représente des gamins et leur moniteur de voile. Et comme par hasard, presque aussitôt, certains d’entre eux sont retrouvés morts, atrocement mutilés…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la première fois construite en diptyque, l’intrigue policière confiée à ce flic du « 36 » on ne peut plus singulier – qui, entre autres, trimbale un matou complètement givré et s’enfile bières ou pétards comme d’autres boivent du p'tit lait – trouve ici sa conclusion à la faveur de moult rebondissements. L’enjeu était de taille pour le scénario, puisque la première partie nous avait déjà livré l’identité du responsable de cette série de meurtres au Havre. Des assassinats – liés à la « normalisation » sexuelle chirurgicale – étaient tombés comme une touffe de poils dans la soupe du « Commandant Achab » et de son adjoint venus en Normandie avec l’intention de fouetter d’autres félins. Nouveaux mobiles pour étayer la boulimie meurtrière de notre psychopathe en fuite (de retour dans la ville de son enfance…) ; nouvelles circonvolutions cérébrales de notre unijambiste pour s’ouvrir des pistes ; nouveaux éléments pour lever les brumes entourant la mort du père de Karim, le coéquipier d’Achab… Le récit ne s’offre aucun temps morts. Surtout, il ose brutaliser ses personnages principaux un peu comme pour leur faire payer le prix de notre sympathie croissante. Le commandant Cohen – dit Achab – et ceux qui ont le bonheur de partager sa croix continuent donc de prendre la vie pleine bille au rythme de rebonds cinglants. Une manière de faire qui est d’ailleurs très proche des séries policières de veine moderne, pour lesquelles le noir café-serré est la couleur préférée. Le résultat est en tout cas le même, qui agrippe sans effort de bout en bout. Au-delà, on se régale toujours autant de l’incroyable psychologie – aux insondables reliefs – de cet attachant policier. D’autant que le tandem avec Karim fonctionne de mieux en mieux. Idem pour les répliques toujours aussi impeccablement efficaces et travaillées (drôles ou cyniques à souhait…) ainsi que le dessin intelligemment cadré. Ce quatrième opus confirme ainsi l’excellente tenue de cette série dont le cinquième tome est déjà attendu : on pourrait bien définitivement connaitre la vérité sur la mort de Fath, ex-père de Karim, ex-taulard et ex-meilleur ami d’Achab…