L'histoire :
Le premier novembre, sur une île du Pacifique, Corto Maltese philosophe dans un cimetière. Il raconte à une tombe que la Toussaint est aussi la fête du martyre de Saint Césaire de Tarracina qui s’était engagé dans une lutte religieuse avec un prêtre d’Apollon, Firmin. Surpris dans ses réflexions par son ami Raspoutine, Corto lui explique qu’il parlait avec un certain John Thomas, qu’il aurait rencontré à Mexico quelques années auparavant, devant le marin russe incrédule. Les deux hommes sont en Tasmanie pour récupérer un jeune ilien du pacifique enfermé dans une prison désaffectée. Ils se retrouvent à Port Arthur où leur passeur, un certain Beattie, les mène jusqu’à la cellule de « Calaboose », qui refuse d’en sortir et voir le monde, et qui prend l’extérieur pour des ombres… Raspoutine invoque Platon, mais les aventuriers délivrent tout de même le jeune homme, qu’ils doivent ramener au Moine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un bon Corto Maltese commence souvent par une pirouette, ou dans une brume propice à altérer les frontières entre réel et imaginaire. Le jour de Tarowean commence par les deux, puisque c’est dans les brumes d’un cimetière de Tasmanie qu’on retrouve Corto parlant aux morts. Enfin, plus précisément à un mort, un certain John Thomas, qu’il aurait rencontré au Mexique. Mais ce nom forcément très répandu dans les pays anglo-saxons est aussi un terme d’argot qui désigne le pénis, depuis qu’il a été donné par D.H. Lawrence à l’amant de Lady Chatterley… Juan Diaz Canales et Rubén Pellejero réussissent un nouveau bon album, truffé une nouvelle fois de références, comme aimait à le faire le maître Hugo Pratt. Pellejero est toujours très fidèle au trait et à l’ambiance du dessinateur italien avec des personnages sombres, des jeux de lumière intenses et une attirance pour les grands espaces… Le scénario de Canales est un tantinet torturé et ravira ou agacera certainement les puristes, puisqu’il tente de boucler une boucle ouverte depuis longtemps par Pratt. Les ingrédients sont eux aussi fidèles, avec l’intervention des deux marins dans le séculaire, à savoir la mainmise des rajahs blancs de Sarawak sur les populations des îles du Pacifique, la préparation de la première guerre mondiale avec la flotte allemande en arrière-plan. Pendant ce temps, le réseau mafieux du Moine, ou plutôt « des » moines devrait-on dire, s’organise aux dépends de toutes les activités humaines. On est ravi de recroiser Raspoutine, mais aussi le ténébreux Cranio, et ce moine si insaisissable… La réflexion sociale est présente, la politique que Corto évite de manière toujours aussi… politique, tout y est. Une nouvelle belle réussite pour les auteurs espagnols.