L'histoire :
Milieu du XXIe siècle. Pour faire face de manière efficace aux multiples conflits armés fleurissant aux 4 coins du globe, l’ONU passe dorénavant des appels d’offres pour confier le règlement de la paix à des sociétés militaires privées. La plus célèbres d’entre eux, la Multicorp Security Inc s’est déjà affranchi avec succès d’un conflit irano-turc. Pour ce faire, elle a utilisé une technologie de pointe et des hommes parfaitement entraînés, le tout étant payé par des droits de retranscription télévisée. Car chacun de ses soldats est appelé « Cyclope » en raison d’une caméra incrustée au milieu de son casque. Ce que les cyclopes voient, le public le voit aussi et le monde entier se passionne pour ce grand spectacle. A leur tête, Douglas Pistoia est devenu du jour au lendemain une star adulée des foules. Son humanisme et son courage parfois incontrôlable donnent certes des sueurs froides aux dirigeants de la Multicorp. Mais chaque sortie le propulse un peu plus haut dans les sondages, assurant par Ric Hochet le succès des missions. Aujourd’hui, la Multicorp décroche le marché du conflit entre l’Argentine et le Chili. Pistoia est évidemment envoyé là-bas pour commander une unité de combattants. Mais sa fiancée ne supporte plus de trembler devant ses exploits sur petit écran. Quand à lui, il remet en question le sens éthique de ce job très lucratif. Dans le plus grand secret, il pactise avec un journaliste fermement opposé à la guerre-spectacle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir réalisé ensemble l’excellent Tueur (5 tomes chez le même éditeur), Matz et Luc Jacamon réitèrent une collaboration fructueuse. Dans un tout autre registre, tout aussi jubilatoire, le second épisode de Cyclopes confirme la bonne impression laissée par le premier opus de cette série d’anticipation. Il s’agit de nous confronter aux dérives médiatiques de la guerre-spectacle, dans un futur relativement proche et crédible. Les dérives de la téléréalité et les règlements des conflits à des fins d’audimat (et donc à des fins marketing) ont certes déjà été habilement exploitées dans Reality Show (Morvan et Porcel) ou Idoles (Gabella et Emem), mais à chaque fois à l’échelle d’une ville. Ici, le scénariste Matz pousse l’idée encore plus loin, en prenant le monde comme terrain d’action. Le pire, c’est que la privatisation des interventions militaires sur appels d’offre de l’ONU ne parait pas, dans ce futur plausible, une idée si insensée que ça ! Elle se traduit néanmoins par une accumulation alarmante de déviances dont prend enfin conscience le héros. Car loin de rester le pantin médiatique du tome 1, Pistoia réagit dans cette suite et semble à présent bien parti pour mettre fin à ces dérives éthiques. Vous l’aurez compris, plus on avance dans l’intrigue, plus cette dernière devient passionnante ! Aux crayons et aux pinceaux, Luc Jacamon met l’ensemble en image avec un crayonné dynamique à la mine de plomb, complété par des couleurs délibérément « éteintes », un style graphique reconnaissable entre mille. Un thème d’actualité, un rythme impeccable, des dialogues justes… Tous les ingrédients sont réunis pour faire de Cyclopes une grande série d’anticipation…
