L'histoire :
Depuis sa plus tendre enfance, Bell est initiée par sa mère à l’existence de monstres. Souvent tapis dans l’obscurité, les caves, les pires sont les « emprunteurs » : des créatures qui prennent l’apparence d’être proches et qui les dévorent de l’intérieur. Bell y est confrontée dès le premier été qu’elle doit passer à l’extérieur de son pensionnat, après la mort de sa mère. Elle est en effet hébergée par son frère Clarence et sa femme Rebecca, qui vivent dans une maison à la campagne. Rebecca accueille chaleureusement sa belle-sœur, mais Bell demeure distante… Ce premier contact ne lui plait pas, elle trouve la sollicitude de Rebecca louche. Au repas, elle a l’impression de voir ses dents danser et s’entrechoquer… Le lendemain, la cuisinière met en garde Bell : qu’elle n’aille surtout pas s’aventurer dans les bois à proximité toute seule. Elle risquerait de se retrouver piégée, comme le fut Rebecca quelques années plus tôt. Quand elle avait l’âge de Bell, Rebecca était en effet tombée au fond d’une grotte et elle était restée coincée là trois jours durant. Cette histoire trotte dans la tête de Bell, qui se met à regarder par la fenêtre la nuit. Or cette nuit-là, elle aperçoit justement quelqu’un s’enfonçant dans le bois avec une lanterne…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vous aimez vous donner des frissons, mais vous avez déjà lu tout Edgar Poe et tout Stephen King ? Emily Caroll vient à votre secours avec ce recueil de cinq nouvelles originales et typiques du registre horrifique, à lire absolument lorsqu’on se retrouve dans une maison de campagne, seul, de nuit et que des bruits bizarres se font entendre de l’extérieur. L’auteure canadienne a parfaitement assimilé le catéchisme de l’horreur psychologique, voire de l’horreur frontale, versant sans scrupule dans le fantastique le plus impénétrable. Au découpage moderne et explosé des pages, on note aussi une savante utilisation des phylactères informes, qui dégoulinent comme si on écrasait un morceau de viscère… et la dominante de deux teintes maîtresses chères à Stendhal : le rouge et le noir. Son art séquentiel se mâtine de moult techniques (encrages, crayonnés, fusains, craies…) et il utilise à merveille ces inspirations pour solliciter votre cortex insécurisé. Vous serez inévitablement la proie d’histoires de possession, d’êtres changeants, de fantômes tapis dans la nature. Vous deviendrez cette frêle et innocente jeune fille aux joues rosies par l’ingénuité, que l’auteure prend souvent pour protagoniste principal. Vous craindrez à long terme les dents voraces, les orbites oculaires sans fond, les mains qui vous agrippent… En tout cas, le jury des Eisner Award en tremble encore d’effroi, qui lui a décerné deux prix en 2015 (meilleur recueil et meilleure histoire courte). Frémissez, pauvres mortels.