L'histoire :
Le 9 février, par une température extérieure de -32°, Sylvain fait le plein de victuaille dans un supermarché d’Irkoutsk. Il a besoin d’un peu de tout, pour tenir en autarcie totale environ 6 mois. Car il a décidé de vivre une expérience unique d’isolement, dans un cabanon au bord du lac Baïkal. A part lui et la nature, il n’aura pas le moindre voisin humain à moins de 5h de marche. Il sera au pied d’une montagne de 1000 mètres de haut, entouré de cèdres, de taïga, de rochers, avec une vue imprenable sur le lac glacé, à une quinzaine de mètres de cet ancien abri de géologue. Mais pour l’heure, il hallucine de la quantité de marques de ketchup qui s’étalent devant lui, dans ce supermarché. C’est précisément à cause de ce genre de choses qu’il a eu envie de quitter notre civilisation. Il passe une dernière soirée passée dans une station scientifique de Pokoïniki, au cœur de la réserve Baïkal-Lena. Et puis le chef des gardes de la réserve le conduit en camion jusqu’à son refuge. Sylvain décharge ses malles et s’installe. Il a pris une pleine caisse de bouquins, une autre de vodka. Enfin, le 14 février, le voilà seul. Seul face à la nature glacée et seul face à sa vie intérieure. Chaque matin à l’aube, il faut raviver le poêle. Et dans la journée, couper du bois, pêcher des poissons à travers un trou dans la glace, se promener alentours, regarder, ne rien faire, penser…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Durant l’hiver et le printemps 2010, l’écrivain Sylvain Tesson (qui vient de décrocher le Prix Renaudot 2019 avec La panthère des neiges !) a accompli un vieux rêve. Celui-ci peut cependant ressembler à une torture pour certains citadins de souche : vivre esseulé pendant 6 mois dans un coin glacé et perdu de Sibérie, sans contact avec le monde extérieur. L’objectif de cette ascèse ? L’introspection, la contemplation, l’apprivoisement du temps, la quête de vie intérieure, l’équilibre de soi vis-à-vis de la nature profonde du monde. Ce périple intérieur, Tesson l’a relaté dans un roman éponyme paru en 2011 ; et Virgile Dureuil, pour sa toute première BD en propose pour la première fois l’adaptation en bande dessinée... une sacrée gageure ! Evidemment, étant donné qu’il s’agit de mettre en scène une paisible vie d’ermite, il ne faut pas s’attendre à une pléthore de dialogues et de scènes d’action. Et néanmoins, Dureuil nous tient réellement en haleine durant plus de 100 planches, où il ne se passe rien d’autre que l’occupation typique d’un ermite : observer la nature, se balader dans la nature, se sustenter, se chauffer, réfléchir au sens de l’isolement, aux besoins primaires, et de temps en temps, rencontrer un visiteur animal ou humain. Et avec le recul de l’entomologiste qui analyse la rare vie au milieu du vide sociétal, apprécier, craindre ou rejeter cette occurrence de l’autre. Soigné et littéraire, le texte se décline à 99,9% à travers des encadrés narratifs. Le dessin semi-réaliste fait une large place aux paysages sauvages de la Sibérie. Clairement, voici l’un des plus beaux guides touristiques de ce coin sauvage du monde. Et de votre vie intérieure…