L'histoire :
C’est étrange de voir cette grosse voiture noire et son chauffeur de maître attendre devant une pauvre cabane du bayou. Pendant que le conducteur fume cigarette sur cigarette, à l’intérieur se déroule une mystérieuse cérémonie : des femmes, des bougies, de l’épaisse fumée et un maître-vaudou agenouillé devant une femme blanche a demi consciente. Quelques incantations chantées, des mouvements rapides de la main pour agiter une sorte de maracas : la femme est prise de convulsions sous le regard attentif et inquiet de son mari. Le sorcier redouble de puissance et un filet lumineux quitte le corps envoûté pour être immédiatement récupéré dans un petit flacon par Adèle, l’assistante du maître vaudou. Le désenvoûtement terminé, la belle voiture quitte le bayou. Adèle est néanmoins déçue, car son mentor a parfaitement compris qu’elle n’avait pas encore pu voir le mauvais esprit quitter l’enveloppe de la riche femme blanche. Le sorcier dit qu’elle progresse, mais Adèle bout d’impatience de devenir l’égale de celui qui l’initie depuis tant d’années. Et ce n’est pas l’arrivée du shérif et de ses sbires qui risque de lui remonter le moral. Bornés à vouloir trouver parmi les siens le coupable d’une série de meurtres, ils se montrent en effet particulièrement racistes et violents. C’est pourquoi, le soir venu, le sommeil a bien du mal à s’inviter. Et Adèle ne trouve pas meilleure occupation que de suivre son maître en catimini. L’homme s’enfonce dans la forêt et s’agenouille devant un arbre majestueux. Après quelques phrases en forme de sésame, il disparaît, totalement englouti par l’arbre. Adèle ne trouve pas meilleure idée que de l’imiter : définitivement pas malin !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Découvert grâce à un court récit sur le catch au féminin (Princesse Suplex), le trait de Léonie Bischoff ne manque pas de séduire une seconde fois. La vivacité du dessin, son élégance naturelle, le détail des arrières-plans, les jolis cadrages ou encore l’impeccable colorisation accrochent formidablement l’œil. D’autant qu’ici tout est choisi pour se mettre au service d’un univers singulier : un monde où même la planche et le sens de lecture (on passera ainsi brièvement d’un format classique au format « à l’italienne » et vice versa) peuvent s’affoler au rythme d’incursions fantastiques et de rencontres avec quelques esprits. Tout est là, prêt à envoûter et nous conduire aux frontières des mystères vaudous (traduction de « Hoodoo »). Ainsi le bayou nous invite à rencontrer Adèle, élève impatiente de Papa Legba – grand maître sorcier vaudou. Une élève imprudente, jouant avec le feu, et qui est sommée dés lors de remplir une mission. Cœur confisqué, morts, mauvais esprits à capturer, ancien disciple de Legba dont il faudra se méfier ou encore racisme joncheront son parcours en forme de surprenante initiation. Avec, en prime, la leçon qu’impatience et vaudou ne font pas bon ménage… Rien à redire sur le voyage proposé, sur l’immersion en terre vaudou accompagnée de tonalité volontairement psychédélique et envoûtante. Idem pour le charisme du personnage central et le brillant dessin. On regrettera peut-être juste que le récit n’ait pas construit une intrigue un peu plus épaisse capable de faire vivre un vrai petit suspens ou de basculer totalement. Reste cependant une belle promesse en particulier, confiée à un joli coup de patte et un vrai sens de la narration.