L'histoire :
Jonas est désormais propriétaire de la librairie de M.Pinkel, qui a pris sa retraite. Un vent de liberté souffle sur Prague en 1968. Le dirigeant Dubcek a réhabilité de nombreuses libertés publiques et entamé la révision des procès politiques. Le docteur Fink ne sera finalement jamais sorti de prison, mort au bout de quelques années de sa deuxième peine de dix ans pour activités contre-révolutionnaires. Madame Fink vit ses vieux jours à l'écart du monde dans un asile, victime d'une paranoïa permanente qui lui fait voir des espions partout autour d'elle. Le jeune libraire vit une histoire d'amour avec Fuong, une étudiante en médecine vietnamienne venue faire son internat à Prague. Le souvenir de Tatjana a laissé place à une vie agréable, les douze ans de silence depuis le départ de la jeune femme vers Moscou ayant adouci la tristesse de l'amoureux éperdu. Mais ce printemps de liberté n'est pas du goût des services secrets, qui comptent encore de nombreux relais dans tous les pans de la société. A l'occasion de son retour d'un séjour à Paris, Zdenek réunit tout le groupe d'amis historiques pour partager avec eux ce qu'il a découvert dans les théâtres parisiens. Et tous ensemble, ils découvrent le Sergent Peppers des Beatles que le jeune homme a acheté sur place. Les agents sont sur le qui-vive et commencent à mettre en place des écoutes téléphoniques autour des membres du groupe. Tandis que Jonas apprend que Tatjana vient d'arriver dans un grand hôtel de la ville, avec un groupe de journalistes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette suite des aventures de Jonas Fink vient conclure une histoire laissée en suspens il y a plus de vingt ans. Vittorio Giardino nous emmène dans la deuxième partie de la vie de son héros, en débutant son récit douze ans plus tard, en plein Printemps de Prague, juste avant l'arrivée des chars russes. La continuité avec les premiers albums est parfaite, et la réédition simultanée en un seul volume de cette première époque va évidemment aider les lecteurs à se plonger dans cette saga complète. Le style du dessinateur italien a très légèrement évolué vers un peu plus de pointillisme dans les décors, mais il a conservé sa ligne claire réaliste très reconnaissable. L'élégance des paysages urbains et la virtuosité dans la mise en mouvements des personnages sont inchangés, ce nouvel opus aux couleurs intenses est une réussite graphique. Sur plus des 170 pages, l'auteur prend le temps de développer de multiples intrigues qui s’entremêlent. Jonas est évidemment bouleversé par le retour de Tatjana, au milieu d'évènements politiques dont on devine progressivement qu'ils vont tout remettre en cause. Le suspense est total sur le sort de chacun des multiples personnages qui nous deviennent familiers, y compris l'étonnant plombier alcoolique qui rencontre souvent des femmes délaissées avides de vengeance. Giardino confirme, s'il en était besoin, qu'il est un des auteurs importants de la BD européenne. La saga Jonas Fink est passionnante, instructive et drôle à la fois. Et touchante comme le regard pensif de son héros, un soir, au bord de la Vltava.