L'histoire :
Apprentie comédienne bercée d'illusions, Ho-gyeong gagne sa vie en posant nue dans des ateliers de peinture. Son ambition : percer dans ce milieu, si le destin se décide à lui venir en aide. Min-gyu est son petit ami officiel. Sauf que cet étudiant sans réelle ambition squatte son appartement, dépense son argent et profite de son corps. Sans boulot fixe, papillonnant au gré de ses désirs, changeant de partenaire à la faveur d'une rencontre, Min-gyu n'est pas ce que l'on appelle un gendre idéal. Pourtant, ces deux jeunes adultes semblent aimantés, irrémédiablement portés l'un vers l'autre, quand bien même le sentiment amoureux ne serait pas au rendez-vous. Amour réel ou habitude de circonstance ? Peur de la solitude ou difficulté à exprimer ses sentiments ? Face à l'absence de perspective professionnelle ou sentimentale, voilà un couple en proie au doute et à l'incertitude. Amour de pacotille aussi. Seuls refuges, l'autre... et les copieux repas du soir. Délaissant leur vide intérieur au profit d'un appétit vorace, le couple va se réfugier dans la nourriture et ses saveurs : algues, porc aigre-douce, pizzas, crêpes salées, le repas ressemble à la dernière planche de salut, à un ersatz de circonstance... Manger leur permettra-t-il d'y voir plus clair ou simplement d'échapper au réel ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Chaemin, jeune auteure coréenne déjà primée dans son pays, publie là son premier roman graphique, dans la collection Ecritures de Casterman. Invitation à la découverte de la Corée moderne à travers le parcours erratique d'un jeune couple, ce livre sonde le sentiment amoureux à la lumière du développement coréen. Et la réalité est plutôt sinistre : loyers trop chers, chômage élevé, la vie est difficile pour les jeunes Coréens d'aujourd'hui. L'amour impossible a été raconté des milliers de fois, mais ici c'est l'angle adopté qui interpelle. Ce couple désuni, en proie à l'ennui et à l'incertitude, se réfugie dans la nourriture, sorte de pis-aller pour cette vie sans perspective. Ho-gyeong aime son ami, ou croit l'aimer sans savoir pourquoi, et lui est aussi paumé qu'elle. Résultat : ils vivotent, s'oublient dans le sexe, dinent pour combler le vide et recommencent le lendemain... Ennui, solitude et illusions brisées, on a connu plus gai. Mais si l'approche séduisait pourtant, ce n'est hélas pas le cas du résultat. On suit la vie sans relief de ces deux personnages au travail, à la maison, dans les rues, et on s'ennuie avec eux. La faute à un dispositif répétitif qui multiplie notamment les flashbacks. Résultat : le lecteur est aussi perdu que les personnages et parvient difficilement à s'attacher à eux. Parfois trop bavard aussi, flottant, l'ensemble se révèle longuet et laisse un goût d'inachevé. Un regard néanmoins intéressant sur une jeunesse désabusée, servi par un dessin doux et agréable, mais sans surprise, assorti d'une douceur toute mélancolique. Portrait désenchanté de la Corée (du Sud !) moderne à travers l'exploration intime du sentiment amoureux, ce livre est à réserver aux amateurs de récits introspectifs.