L'histoire :
Sylvain Tesson se trouve dans le compartiment d’un train qui traverse la Sibérie d’Ouest en Est. Allongé sur une banquette, il parcourt une ultime fois le livre de Slavomir Rawicz, A marche forcé. Dans celui-ci, cet officier polonais raconte son évasion du goulag avec 6 camarades, pendant la seconde guerre mondiale. En plein hiver, ils avaient réussi à couper les barbelés de leur camp, qui menaient à la taïga, et ils s’étaient dirigés vers le Sud avec le soleil pour seule indication… Ce périple pédestre leur prit une année entière, à travers les forêts épaisses et enneigées, les interminables steppes de Mongolie, le désert de Gobie et les montagnes du Tibet. A l’arrivée, quatre étaient morts, ils n’étaient plus que deux, réduits à l’état de cadavres ambulants. Qu’importe à Sylvain Tesson que cette histoire ait été partiellement romancée ou qu’elle soit authentique : il a décidé de reproduire ce périple dingue en solitaire, au seul rythme de son effort physique. Un périple inhabituel, du Nord vers le Sud, car en rupture avec les mouvements traditionnels des déplacements humains qui vont du levant vers le couchant, ou inversement. Seul un animal suit régulièrement cet axe austral dans ses migrations : le loup. Tesson a décidé lui aussi d’emprunter l’axe du loup, durant plusieurs semaines… mais en été !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Virgile Dureuil continue son œuvre d’adaptation des romans exploratoires de Sylvain Tesson. Paradoxalement, L’axe du loup, publié en 2004, dans la foulée du périple authentique que le voyageur-écrivain a couvert de mai 2003 à janvier 2004, est antérieur aux deux autres BD déjà adaptées, Berezina (publiée en 2015, adaptée en 2021) et Dans les forêts de Sibérie (publiée en 2011, adaptée en 2019). Tesson est une nouvelle fois mis en scène en train de soliloquer durant un périple sur un axe Nord-Sud (celui du loup !) à travers la Russie, la Mongolie, la Chine et l’Inde. Ce tracé est globalement reproduit à partir d’un récit d’un officier polonais de la seconde guerre mondiale, Slavomir Rawicz. Tesson avoue qu’il est, comme beaucoup, dubitatif sur l’authenticité de cette évasion du goulag. Et c’est surtout pour vérifier la vraisemblance de celui-ci – mais aussi pour se faire plaisir dans la marche solitaire qu’il apprécie – qu’il se lance ce défi. Comme pour les deux précédents ouvrages, Dureuil utilise un dessin réaliste solidement documenté. Ce souci du détail est le premier atout de l’adaptation BD. Le second atout, c’est que paradoxalement, jamais on ne se lasse. Pourtant, le propos pouvait a priori apparaître barbant : Tesson marche seul durant 120 pages à travers des paysages peu touristiques : épaisses pinèdes, steppes, désert de cailloux… Mais les rencontres, les anecdotes, les parenthèses historiques, les calculs de survie, la diversité des réflexions intérieures et le regard sur les autres cultures sont d’une grande richesse et confèrent diversité, renouvellement et attention.
