L'histoire :
A l’hôpital de Hong Kong, une jeune femme met au monde deux jumelles. Malheureusement, elle est seule car son conjoint la quitte quand il a compris qu’elle était enceinte. Un ami, Philippe, est présent pendant l’accouchement et lui promet qu’il restera avec elle le plus souvent possible pour ne pas la laisser seule avec ses enfants. D’autant que l’une des deux filles, Jade, a les yeux blancs et une vue très limitée. Des années plus tard, Philippe est toujours là et il a trouvé un moyen pour montrer les objets à Jade : il suffit de prendre en photo tout ce qu’elle ne connaît pas pour l’initier aux objets qui l’entourent. Jade est ravie et apprend très vite. Le problème, c’est qu’elle n’est pas totalement aveugle et pense qu’elle peut vivre comme les autres. Du coup, elle se blesse régulièrement en tombant. Un jour, elle manque même de passer par la fenêtre du salon en voulant prendre une photo de l’extérieur. Sa mère et Philippe sont inquiets car Jade se fait de plus en plus mal et semble le faire volontairement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sylvain Limousi, alias Saulne, est un amoureux de l’Asie et il offre aujourd'hui l'histoire d'une famille vivant en Chine. Cette famille est atypique : la mère est seule pour s’occuper de deux filles et un homme les aide en devenant un « oncle » de substitution. Cependant, la véritable vedette de l’album est cette fameuse Jade aux yeux blancs. Quasi aveugle, cette fille va évoluer et fasciner de nombreuses personnes autour d’elle. On voit ainsi la vie qui passe au fur et à mesure de l’opus et les filles grandir jusqu’à leur âge adulte. Leur parcours est celui d’une vie particulière, marquée par la cécité de Jade et cette volonté de vivre intensément malgré ses difficultés de départ. La première partie est certainement la plus forte, car Jade tente d’accepter tant bien que mal son handicap. Saulne dépeint le portrait d’une adolescente pas comme les autres, qui souffre, mais qui est aussi pleine de joie de vivre et d’énergie. Cet apprentissage de la vie rappelle furieusement le destin d’Helen Keller et son combat contre la différence. A la différence près que le propos est aussi beaucoup plus subtil. Véritable tranche de vie, la bande dessinée retrace des petits moments du quotidien qui sont parfois insignifiants mais qui révèlent l’intériorité des personnages. Sans aucun jugement de valeur, ni explications, Saulne laisse vivre ses deux jumelles, entre rires et larmes, entre querelles et amour. C’est d’ailleurs l’amour qui prédomine et un profond humanisme se dégage de l’album. Le rythme est donc très méditatif, d’un réalisme parfois presque plat. Certaines scènes, notamment vers la fin, sont curieuses ; le manque d’éclaircissement est parfois déroutant. Le dessin, quant à lui, est plein de finesses et de subtilité. Il cadre bien avec le propos. Tout est en aplat de gris, comme si l’on voyait à travers les yeux différents de Jade. Seule la peau et les visages humains sont en blanc et ressortent. Ce choix de couleurs offre un rendu plein de sensibilité : ce qui compte le plus est l’humain, sous toutes ses formes. L’album est donc intriguant, particulier et iconoclaste, à l’image de cette plante exotique : le Durian. Un one shot qui n’est pas sans effet…
