L'histoire :
Dans la ville de Beyrouth, trente ans après la fin de la guerre civile, nous découvrons Samar. Ce jeune auteur de bandes dessinées, homosexuel, tente de débuter un nouveau projet, de créer. Mais il peine à trouver l'inspiration. Celle-ci est souvent entrecoupée par des cauchemars. Régulièrement, un homme apparaît dans ses rêves. Il est menaçant, le traite d'anormal à cause de sa sexualité, et en même temps, Samar ne peut l'expliquer, mais il éprouve une certaine fascination. Le matin, lorsqu'il s'installe à sa table à dessin, ses cauchemars ne sont jamais bien loin, et il est sans cesse interrompu par des SMS. Il est inscrit sur une application de rencontres gay, et des hommes lui envoient des messages de drague, à la limite du harcèlement, sans jamais montrer leur vrai visage. Samar porte le poids d'une culture, qui passe sous silence de nombreux sujets, à savoir les questions de genre et de sexualité ou bien encore le racisme. Heureusement, il arrive à se réfugier avec des amis, dans les quelques endroits de liberté qu'il reste encore dans la ville, notamment des Drag show confidentiels, cachés du regard des autres, qui continuent d'exister en secret. Mais la génération de Samar essaie de faire évoluer les mentalités, en manifestant, en militant, mais aussi en portant le poids quotidien de cette société.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Joseph Kaï est un jeune auteur de bande dessinée. Il a rejoint en 2010 le collectif de bande dessinée libanais Samandal, qui a reçu le prix de la BD alternative au FIBD 2019. Il signe ici son premier roman graphique long, en solitaire, et explore à travers une fiction autobiographique, le poids des non-dits de la société libanaise, les peurs et les angoisses que cela engendre chez les jeunes générations. On sent son personnage extrêmement tourmenté, inquiet, perdant pied dans une vie qui ne lui convient pas, qui aimerait apprendre à se connaître dans un autre contexte moins bridé. Les thématiques LGBTQIA+ sont prégnantes, mais d'autres sujets viennent graviter autour des personnages, comme le racisme, la guerre, la pollution, la question de la liberté fragile. Des thèmes omniprésents dans les questionnements des nouvelles générations. Le traitement des couleurs peut déstabiliser, car il est assez peu commun. Les couleurs sont vives, affirmées, tranchées, et on retrouve une dominante de violet fluorescent. On oscille entre cauchemars, rêve et réalité, en perdant nos repères, en étant, comme Samar, complètement perdu et désorienté dans cette société. Un ouvrage qui met en avant les doutes et les peurs de la jeunesse libanaise, qui aspire à une autre réalité.