L'histoire :
Saïd naît en Algérie en 1938. Il va à l’école primaire française. Il apprend ses ancêtres les gaulois, mais il est un élève turbulent. Epris de lecture, il est grondé par son frère lorsqu’il est surpris en train de lire Les Pieds Nickelés en français. Débrouillard, il est aussi malin et revendicatif. Et lorsque, au collège, Saïd va organiser une grève dans sa classe par solidarité pour le Roi du Maroc et l’indépendance, il va se faire renvoyer. Son père, qui espérait en faire un imam, se voit contraint de l’envoyer en France. Et voilà Saïd en métropole à 15 ans, écrivain public pour les maghrébins illettrés du quartier de son frère, puis apprenti menuisier. Mais personne ne cherche de menuisier dans le coin… Michelle, elle, grandit à Clichy dans les années 50. Son père, qui a fait la « der des der » en garde des cauchemars. Leur père, comptable, est fier de ne plus être en bleu. Les rapatriés affluent dans ces années, mais Michelle ne comprend pas vraiment les « évènements » d’Algérie. Elle adore lire, dévore Mallarmé jusqu’à table, et initie sa grande sœur à Ionesco. La route de Michelle et Saïd va se croiser un peu plus tard…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Que de changements depuis ces trente glorieuses où on pensait que le monde était à inventer, et le terrible désenchantement, le repli communautaire et social des années 2000… De ces cinquante ans, Michelle et Saïd sont deux témoins privilégiés. Gauchistes, égalitaristes, pour l’émancipation de la femme et des peuples, ils luttent chacun dans leur partie, pour un monde meilleur. Saïd à l’usine, Michelle dans l’éducation nationale. Mais ils sont réunis par le théâtre, qui leur permet de s’évader, de construire, d’ouvrir des générations entières à l’autre… Ce livre de Pierre Maurel et Dominique Laroche est beau, généreux, intelligent. Il retrace une histoire d’amour et un parcours militant. L’histoire de deux individus, puis un couple pétri d’idéaux, qui essaient de vivre en accord avec eux-mêmes. Le noir et blanc de Pierre Maurel, terrifiant dans Iba, est ici simple et doux, enveloppant, tout entier au service de la narration. Une belle histoire, l’histoire vraie de deux vies qui traversent le monde en essayant de le rendre meilleur, sans y parvenir, mais sans jamais d’acrimonie. Et toujours, ou presque, avec le sourire.