L'histoire :
A bord de son crossover, Murphy déboule sur les routes sinueuses et étroites d’un paysage de campagne. Il fait le plein d’essence chez un pote et manque de renverser deux femmes. Lorsque tout à coup, surgit du sol une plante carnivore aux dents acérées, prête à tout dévorer sur son passage. Le pompiste est d’abord cisaillé en deux par la plante, tandis que Murphy s’enferme en catastrophe dans son 4X4 et appuie sur l’accélérateur. Un peu plus loin, une meute de végétaux met un village à feu et à sang. Face à ce paysage de désolation, Murphy a l’impression d’halluciner : autoroutes jonchées de carcasses de voitures, cadavres écrasés, accidents en pagaille... la Terre semble soumise à un fléau vert. Après avoir trouvé un peu de repos dans des camions abandonnés, notre héros est tout à coup réveillé par le bruit assourdissant d’un hélicoptère. A son bord, une armée de femmes qui fait de Murphy son captif privilégié. En effet, il est le dernier homme sur terre et Hildegarde, gourou d’une secte féministe, a besoin de ce mâle reproducteur pour rebâtir un monde uniquement gouverné par des femmes. Murphy est donc fait prisonnier en compagnie d’un trans, d’une jeune fille endoctrinée et d'Abdou, un enfant black exubérant accompagné de son chien… Des plantes rapides et envahissantes sèment la terreur, il semble bien qu’une apocalypse végétale soit en marche !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Autant vous prévenir, ce récit loufdingue est inclassable. Sorte de croisement entre Frankenstein, Massacre à la tronçonneuse et Mad Max, assaisonné ici ou là de Cosmoplantes, voilà une histoire façon série Z qui mélange allégrement les registres, de l’horreur à la romance, de l’humour au grave. La narration file à 100 à l’heure, entre scènes d’apocalypse végétale, flashback d’un monde effrayant, sectaire et totalitaire, où des femmes assoiffées de reproduction tyrannisent, où l'on pratique l'orgie enfiévrée sous stéroïdes (cf.p.67 à 76, les scènes tordantes et jubilatoires de copulation – peut-être un clin d’œil à Bastien Vivès et au T2 de Pour l’Empire ?). Très séduisant aussi, le graphisme de Mickaël Sanlaville : ultra-dynamique et expressif, cartoonesque ou mangaïsant, jouant l’excès de proportions pour mieux faire rire, avec le souci du détail dans les décors et des cadrages culottés. Moderne et vive, directe et surprenante, la partition visuelle se double d’une parfaite mise en couleur. Bref, c’est captivant. Seul regret peut-être : le message convenu ou (volontairement ?) caricatural sur les excès du fanatisme, la religion, l’endoctrinement ou même l’amour (voir scène d’Abdou p. 99 qui dit préférer les chiens aux hommes ; ou p.100, le trans indiquant que la religion est une prison de l’esprit). Mais cette farce délirante mêle le sarcasme à la gravité, la drôlerie à l’épouvante, en dressant le tableau ubuesque d’un monde gynarchique et végétalisé voué à disparaître. Au final, c’est le genre de BD décalée, actuelle et décomplexée qu’on retient immédiatement car les techniques sont maîtrisées. Réservant quelques séquences d'anthologie, un très bon moment de lecture tarantinesque, drôle et prenant (attention aux scènes très explicites pour les plus jeunes).