L'histoire :
Louis a fait carrière en tant que tueur professionnel. Un flingueur solitaire, sans état d’âmes, de sang froid. Aujourd’hui, il est en phase terminale d’un cancer. Il sait qu’il va mourir, aussi a-t-il décidé de se payer une dernière virée, mortelle et vengeresse. Il veut régler ses comptes et aussi retrouver sa fille, Lison, qu’il n’a plus revue depuis 16 ans. Titubant, vomissant sang et bile mélangés, il soudoie une infirmière pour s’évader de l’hôpital, clope au bec, avec une quantité de morphine suffisante pour tenir quelques jours. La ville, la nuit, son élément. Un bar, où il n’arrive pas finir son verre de fine. Une pute, qu’il n’arrive même pas à pénétrer. Il fait un dernier passage dans sa piaule, le temps de se raser le crane et de récupérer ses armes et ses munitions. Puis il se rend au bar du Tonkin, où il retrouve attablée sa bande de l’Indochine. A leur tête, « Madame », ancienne patronne et ancienne maîtresse, lui souhaite faussement la bienvenue. Il n’a pas grand-chose à leur dire, finalement. Il dégaine et vide ses deux flingues sur tout le monde, dans un bain de sang. Une formalité. Il reprend la route, en voiture puis en train, en direction du sud de la France, où habite la mère de sa fille…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne dévoile pas grand-chose en annonçant que dès les premières planches, avant même d’avoir commencé, cette histoire termine mal. Très mal. A chaque planche, les règlements de compte de ce « voyou »-là vont un peu plus loin dans l’horreur et l’abjection. On y découvre tout d’abord un tueur déshumanisé qui n’a strictement aucun respect pour la vie, qu’il s’agisse de celle des autres ou de la sienne. En nous faisant partager ses pensées en voix-off, le scénariste Philippe Paringaux nous met à rude épreuve. Qu’a-t-il fallu endurer pour en arriver à un tel mépris de la condition humaine ? Le personnage de Louis agit mécaniquement, avec la même application qu’il a du mettre en œuvre pour mener ses contrats. On croit l’avoir cerné dès les premières pages, déjà bien rudes. Pourtant, séquence après séquence, Paringaux nous emmène sonder l’horreur du personnage, un peu plus loin à chaque fois. Jusqu’au paroxysme final, qui atteint des sommets inégalés en matière de sordide. Contrairement à la grande majorité des BD, les auteurs placent ici leurs encadrés de voix-off en bas de page, dans lesquelles se mêlent narration, pensés et parfois même répliques. L’effet produit est intéressant : tout en étant au plus près des émotions (gelées) du tueur, le lecteur se laisse conter l’histoire plus qu’il ne la vit, comme si l’auteur le protégeait ainsi de l’impureté ambiante. Graphiquement, le style de dessin, propre à Loustal, peut rebuter… Mélange de crayonnés différemment contrastés, durs et disgracieux, il est néanmoins très lisible et colle à la perfection à l’ambiance glauque du récit. Le zéro espoir illustré.