L'histoire :
Désormais, le tueur vit au Venezuela en compagnie de sa femme et de son fils. Il a remisé les flingues dans leurs étuis. Mais, quand on est un tueur, on a ça dans la peau, on a la gâchette qui démange. Il replonge dans le business en liquidant 3 personnes. Mais le contrat possède un alinéa : il s’appelle Angel Carrasco, un jeune homme brillant et très prometteur, proche du président cubain, qui travaille en tant que commissaire spécial chargé de négocier les marchés pétroliers. La CIA lui a demandé de lui régler son compte… mais le tueur ne sent pas l’affaire. Il décide d’assurer ses arrières (il suppose qu’en n’exécutant pas le contrat, la CIA s’empressera de l’éliminer). Pour cela, il choisit de rencontrer Monsieur Velasquez, un haut dignitaire cubain et lui révèle les conditions de son contrat. Un peu plus tard, Velasquez, accompagné de Katia, un agent cubain, retrouve le tueur dans un bar. Ils lui proposent un deal : faire croire à la mort de Carrasco pour que la CIA le laisse tranquille a posteriori…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parmi tous les polars noirs sortis depuis 10 ans, peu d’entre eux arrivent à la cheville du Tueur. Cette réussite s’explique tout simplement parce que cette saga violente réunit tous de subtils ingrédients : un personnage principal qui fait part de ses émotions et de son instinct, à travers des monologues introspectifs ; une intrigue palpitante pourvue d’un double niveau de lecture, qui se prête à une réflexion sur l’homme, la civilisation, le progrès, la politique ; un dessin efficace avec un style caractéristique et des cadrages audacieux ; des couleurs qui traduisent parfaitement l’ambiance voulue par les auteurs. Avec l’arrivée du tome 7, on pourrait imaginer que Le tueur s’essouffle, qu’il ferait bien de se ranger des voitures, d’aller faire tranquillement ses courses au supermarché du coin. Que nenni, il en a toujours sous la semelle ! Son regard sur l’humanité et ses travers est toujours aussi lucide (au début, il passe au crible le rôle prépondérant des Etats-Unis dans l’instabilité politique régnant en Amérique du Sud, le fait que la France ait une grosse part de responabilité dans le génocide rwandais…). Pourtant, en évoquant ces questions géopolitiques (avec une certaine légèreté), il ne cherche nullement à justifier ses actes répréhensibles ou à se dédouaner. Au contraire, il se considère, avec cynisme, comme un rouage essentiel de la société pourrie. Son rôle est similaire à celui des prédateurs présents dans la nature : il élimine les humains car c’est son job, comme d’autres vont à l’usine, au bureau. Lui son taff, c’est nettoyer. Chapeau, donc, à Matz et Jacamon, qui signent une nouvelle fois un opus de haute tenue. Dès la première page, on se laisse happer par l’histoire, au point qu’on en viendrait presque à être jaloux de ne pas avoir eu, avant eux, l’idée de raconter l’histoire d’un tueur et de ses questions existentielles. Un seul bémol : vers la fin de l’album, Jacamon veut donner du mouvement à une scène d’action en découpant la case façon miroir brisé. Un effet graphique qui tombe à l’eau et qui donne plus le sentiment d’une erreur d’impression qu’autre chose (il faut bien être critique avec l’excellence !). Pour ceux qui connaissent la série, continuez sur votre lancée en mettant la main sur ce 7e album. Pour les autres, ruez-vous dessus sans attendre (profitez-en : un coffret réunissant les tomes 1 et 6 sort à cette occasion !).