L'histoire :
Le 22 décembre 1955 à l’aube, dans un coron du nord Pas de Calais, un immigré d’origine italienne rejoint ses camarades mineurs pour une nouvelle journée de labeur. Les travailleurs s’équipent et prennent place dans une cage, pour rejoindre leur boyau de charbon, 975 sous terre. C’est après une pleine matinée de travail que l’accident de produit : une berline mal chargée dans une cage raccroche la paroi et sectionne des câbles électriques et des circuits d’huile et d’air comprimé, provoquant un terrible incendie et un éboulement. Une centaine de mineurs se retrouvent coincés ! La rédaction du journal le Globe où travaille Lefranc reçoit la nouvelle sur son téléscripteur. Le reporter saute aussitôt dans son Alfa et file plein nord, jusqu’au charbonnage où a eu lieu l’accident. Là-bas, il apprend de l’inspecteur Renard que la situation est complexe : un « boutefeu » (artificier) d’origine polonaise vient d’être arrêté par Interpol, pour avoir commis un attentat à l’encontre d’un général héros de la guerre. Or celui-ci est le meilleur boutefeu de la compagnie : il est le seul à pouvoir dégager les galeries menant à une poche d’eau qui permettrait de circonscrire l’incendie. Au risque de se faire complice d’un incident diplomatique, Lefranc se porte volontaire pour escorter le prévenu et quelques sauveteurs à travers les souterrains…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2006, la publication du Maître de l’atome, suite inédite de la Grande menace, avait redonné un peu de faste à cette série culte du 9e art. Lefranc endure en effet depuis plusieurs années des aventures (disons) laborieuses, que les équipes successives qui en ont la charge n’ont jamais réussi à re-vitaminer. Logique donc, que le scénariste Michel Jacquemart, qui avait été à l’origine de cette bonne adaptation, soit à nouveau au générique d’un épisode. Contextuellement, Noël noir se situe peu après Le maître de l’atome… et il y fait souvent référence, comme pour y picorer un peu de son succès. On retrouve donc un décor des années 50, l’époque où l’on roule sur des routes pavées, où l’on reçoit les news sur téléscripteurs, où les dantesques charbonnages connaissent leurs dernières années de rendement… et où la ligne claire parait tout de suite moins désuète. En l’occurrence, le style graphique du dessinateur Régric (alias Frédéric Legrain) se conforme parfaitement à la Jacques Martin’s touch, un visuel statique-détaillé défini via Alix dans les fifties. Il faut dire, Régric a auparavant fait ses armes sur des Voyages de Lefranc (sur L’aviation) et il connaît le cahier des charges par cœur. Certes, mais quid de l’intrigue ? La problématique est rapidement posée : Lefranc se lance dans une périlleuse entreprise de sauvetage, accompagnée de vagues relents d’espionnage. Plutôt inspiré, le récit s’appuie surtout sur des éclairages didactiques quant au fonctionnement d’une mine à charbon, ou sur les conditions de travail des mineurs et il délivre quelques répliques folkloriques en picard. Il n’y a donc ni Axel Borg, ni la mégalomanie qui l’accompagne, ce qui permet de conserver un minimum de réalisme et – paradoxalement – de s’ennuyer un peu… Mais ne nous plaignons pas : les récits orchestrés par Jacquemart sortent tout de même Lefranc du marasme des derniers opus.