L'histoire :
Sainte-Claire, un bourg en Lorraine, en 1957. Igor a 10 ans. C'est un « par-en-haut » et ce matin, il a fallu qu'il aille chercher des commissions du côté des « par-en-bas », mais il a été attaqué par ce salaud de Boris et son grand con de frangin. Bilan des courses : des bouteilles de lait cassées et des coups de martinet infligés par sa mère, qui était furieuse à son retour. Ah oui, il faut préciser : à Sainte-Claire, il y a deux grandes cités ouvrières. Alors ceux qui habitent le quartier d'en haut, c'est les « par-en-haut » et ceux qui habitent la cité du bas, bin c'est les « par-en-bas ». Fastoche. En temps normal, ils sont en paix. Sauf que le temps normal, il ne dure jamais longtemps, pas plus de deux-trois jours disons. Et les gosses finissent toujours par se taper dessus ! Les grands aussi parfois. En fait, ça arrive souvent, même. Mais il y a des règles : les différents, s'ils ne sont pas trop graves, se tranchent au cours d'une partie de foot. Quand c'est plus sérieux, comme une insulte très insultante, tout le monde se retrouve à la côte de la fontaine. C'est la route qui va de « par-en-haut » à « par-en-bas ». Au milieu, une ligne a été tracée en pointillée, un peu comme une frontière dans les livres de géo. Chacun dans son camp et quand les chefs donnent le signal, ça se castagne !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Casterman réédite avec cette Intégrale les quatre albums de la série biographique de Baru (Le Pénalty, C'est moi le Chef !, Bip bip, Boncornards têtes de lard), parus initialement de 1999 à 2003. Avec Les années Spoutnik, on retrouve cette France des « petites villes à la campagne » de la fin des années 50, où la métallurgie et les mines de charbon nourrissaient les familles. Le récit est centré sur la personnalité du petit Igor, dit le Goret et de l'ensemble de ces gosses prompts à défendre la tradition des guerres de clochers, ce qui lui confère un petit air de La guerre des boutons. C'est donc un régal de voir l'énergie qu'ils mettent à faire des bêtises et à se castagner. Mais c'est aussi l'occasion pour Baru de tisser autour d'eux une véritable chronique sociale de cette France des travailleurs immigrés de la classe ouvrière, qui Ukrainien, Italien, Russe ou encore Polonais, attachés à leurs traditions mais vivant ensemble. C'était le temps où les garçons n'allaient pas dans les même classes que les filles. Le temps où l’instituteur frappait fort sur les doigts où tirait comme un forcené sur les oreilles quand il fallait punir les garnements ; le temps où le martinet claquait sec dans les bonnes et honnêtes familles. Le temps où le Curé, c'était quelqu'un dans la bourgade. C'était aussi la France qui commençait à se diviser autour des « évènements d'Algérie », quand la classe ouvrière s'unifiait autour d'un Parti Communiste franchement Stalinien. Baru, avec son graphisme simple mais juste, et les couleurs de Daniel Ledran, son compère disparu à qui il rend hommage, nous régale de ses portraits de petits et grands, sans céder à la nostalgie. Il nous entraine avec ces mômes en culottes courtes qui, malgré un cadre social contraignant, avaient la joie de vivre et nous communiquent à longueur de pages leur gaité et leur enthousiasme. Les années Spoutnik... une série à découvrir, ou à redécouvrir !
