L'histoire :
Tintin, journaliste au Petit XXème, est à la gare de Bruxelles avec son chien Milou, accompagné par son directeur et des photographes. Il part en direction de la Russie soviétique pour y faire un reportage sur les réalités de la vie ordinaire dans ce pays passé sous régime bolchevik. Une fois installé, il ignore que dans le compartiment voisin du sien, un terroriste soviétique ne compte pas le laisser faire. Il ne faut surtout pas qu’il rapporte au monde occidental ce qui se passe en Russie ! Le malfaisant allume la mèche d’une bombe et se met en sureté à l’avant du train. La bombe explose et ravage plusieurs wagons, juste avant d’entrer en gare de Berlin. Bien que ses vêtements soient déchirés, Tintin est indemne. Il est cependant considéré par la police allemande comme le responsable de cet attentat et se retrouve en prison ! Mais Tintin a plus d’un tour dans son sac : profitant d’un tour de garde, il assomme son geôlier, prend ses vêtements et s’en va en side-car comme si de rien n’était. La police allemande repère cependant cette évasion et le prend en chasse. Tintin fonce tellement sur la route, qu’il fait une sortie de route. Une fois encore, il n’a rien. Il simule un corps avec ses vêtements et se cache dans un arbre. Puis, profitant de ce que ses poursuivants tombent dans la supercherie, il leur pique leur voiture, direction Moscou…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Annoncée en grandes pompes par les éditions Moulinsart et Casterman, la colorisation de Tintin au pays des soviets intervient 87 ans après la première édition noir et blanc de cette œuvre culte. L’ouvrage est en effet fondateur d’un mythe, qui lui-même est fondateur du 9ème art, au court du siècle qui s’est ensuivi. Entre temps, personne n’avait jamais eu l’audace ou le droit de procéder à ce que certains considèrent comme un sacrilège. Créé en noir et blanc dans l’entre-deux-guerres, Tintin au pays des soviets aurait certes pu rester ad vitam en noir et blanc. Cela dit, ladite colorisation est fort judicieusement apportée selon des teintes éteintes en aplats et raccords avec les 24 albums qui ont suivi, mais elle n’apporte en soi pas grand-chose ni au fond, ni à la lisibilité de l’œuvre. En outre, bizarrement, les deux coloristes ne sont pas crédités au générique de l'album (il s'agit de deux inconnus : Michel Bareau et Nadège Rombaux). C’est donc un non-évènement, dont la communication massive dépasse très largement l’intérêt (« quôaa, un nouveau Tintin ??! »). Mais revenons à l’œuvre, puisqu’œuvre de fond il y a et que l’occasion fait le larron. A l’origine, l’existence de Tintin au pays des soviets est mu par une intention propagandiste. Le Petit XXème est un supplément à un journal de droite (voire trrrrès à droite) qui se fait un malin plaisir de dénoncer le système politique opposé et mis en place douze ans plus tôt en Russie par la révolution bolchévique. A travers la succession d’aventures linéaires de Tintin, notre héros reporter se confronte à diverses aberrations d’une société soviétique exagérément caricaturée. On y fait semblant d’avoir des usines, la police applique un droit inique, la population crève de faim, les agents sont tous des brutes violentes et sournoises… C’est évidemment à lire à travers le prisme du recul historique et de la propagande occidentale. Sur le plan de l’intrigue, les 140 planches obéissent à une narration linéaire et rocambolesque. Invulnérable, Tintin va d’arrestations en accidents et en traques, tout en faisant des traits d’humour… Là encore, la remise dans le contexte créatif de cet art est impérative, tant le simple fait de faire de la BD était révolutionnaire en 1929. Le plus intéressant se trouve enfin sur le plan du dessin et de la mise en scène. La première image de Tintin sur le marchepied du train, à la page zéro, est d’une incroyable naïveté, ne serait-ce que comparé au Tintin bagarreur de la p.22. Les « progrès » de Hergé sont stupéfiants, au sein même d’une unique aventure devenue clé de voûte d’un art tout entier.