L'histoire :
Brüssel, juillet 784 : Mme Antipova découvre quelques kilos de sable au milieu de son appartement. Rien de bien grave, un tour pendable de ses 2 garnements. Quelques temps plus tard, c’est son voisin, le sympathique Constant Abeels qui découvre une pierre au beau milieu de son bureau. Au rez-de-chaussée, Maurice le restaurateur perd de façon régulière et inexplicable du poids... Simultanément, la ville accueille un haut dignitaire du Boulachistan venu vendre quelques magnifiques bijoux traditionnels à Elsa Autrique, une antiquaire de la cité. L’un des joyaux l’éblouit plus que tout autre et même s’il n’est pas à vendre, elle l’emprunte pour le copier. L’affaire conclue, l’étranger prend congé de sa cliente et, bientôt, quitte ce monde percuté par un tramway... Sable et pierres de 6793 grammes continuent de proliférer. Maurice perd de plus en plus de poids, au point de ne plus être soumis à l’attraction terrestre. Devant l’accumulation de ces bizarreries, le bourgmestre demande l’aide d’une enquêtrice spécialisée : Mary Von Rathen, « l’enfant penchée ». Aidée de Constant et du propriétaire de la Galerie des Mondes Lointains, elle comprend vite que l’apparition de ces phénomènes étranges est liée à la mort de Gholam Mortiza Khan. Pour contenir le problème, elle propose au notable de confiner le quartier, car pour elle, le phénomène est très localisé et risque de contaminer entièrement la ville. Au même moment, les enfants du dignitaire Butgi viennent demander à Elsa Autrique des nouvelles de leur père. Apprenant son décès, ils souhaitent récupérer au plus vite le Nawaby, le sublime bijou. Mais Elsa s’en est débarrassée depuis plusieurs jours, sentant l’objet insolite, néfaste... Aie, aie, aie !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bienvenue dans les Cités Obscures de François Schuiten et Benoît Peeters. Si vous n’avez jamais pénétré en ces contrées, le diptyque de la Théorie du grain de sable vous y plongera de la meilleure des façons. Cette nouvelle exploration fantastique d’un univers parallèle au notre (c’est la thématique de la série) prend à nouveau pour théâtre Brüssel, confrontée cette fois à des événements plus qu’étranges. Et pour traiter leur sujet, les deux amis s’y emploient magistralement. Benoît Peeters battit un récit à intrigue dans lequel le fantastique sert de fil conducteur. Des éléments au départ anodins et sans danger (quoi de plus inoffensif qu’un grain de sable ?) mettent en péril l’équilibre de la cité. L’histoire est fluide et rythmée, le choix d’une construction qui nous permet de suivre parallèlement plusieurs groupes de personnages y est certainement pour beaucoup. Lorsqu’on apprend, de la bouche même de Benoît Peeters, que ce récit s’est construit en cours de route au fur et à mesure des productions du dessinateur et des envies, on est surpris par tant de cohérence : un vrai métier ! François Schuiten livre, pour sa part, un travail admirable, d’une précision remarquable, une production de besogneux. Le choix d’une réalisation en noir et blanc (ce fut d’ailleurs l’inducteur de ce projet) nous permet, s’il y en avait besoin, d’apprécier l’éblouissant talent de l’artiste. On sent que Schuiten se repaît du jeu des profonds contrastes et du dynamisme imposé à son trait par cette « colorisation ». Une nécessaire exigence qui comble sa main. En bonus, une géniale trouvaille qui permet de faire naître un blanc lumineux qui souligne alors les phénomènes étranges du récit. Une bien belle aventure que cette immersion. A vivre indéniablement.