L'histoire :
Des situations surréalistes, des mots choquants, des dessins explicites... Le harcèlement de rue, ce n’est pas que les insultes, les menaces et les gestes déplacés. Certains hommes sont des prédateurs. Au gré de scènes quotidiennes, on découvre que ces violences ne sont pas subies uniquement dans la rue, mais aussi dans la sphère intime, professionnelle et... plus étonnant, dans le milieu médical. Des hommes se comportent encore comme des primitifs en agissant sans scrupules et surtout en pensant que c’est la normalité. Certaines mauvaises expériences montrent les gestes déplacés vécus par des futures mamans lors du suivi gynécologique pendant leur grossesse, par exemple. Beaucoup de cas sont évoqués, des plus « banales » insultes jusqu’aux violences sexuelles. Les différents mouvements qui naissent au fil des scandales incitent les victimes à parler. En voyant certaines célébrités rejoindre les #, elles osent enfin se libérer. Aujourd’hui, la société ne peut plus cacher les sévices endurés pas certaines grâce aux médias, groupes de paroles et réseaux sociaux qui incitent à balancer et ne plus avoir honte d’être victimisées. Des femmes ont du caractère, de la répartie, savent de sortir de situations gênantes, sont moins craintives et plus assumées. Celles-là auront la force de rebondir et d’en sortir plus fortes. En revanche, pour la plupart des souffres-douleur cela restera une expérience traumatisante et profondément encrée qui, bien souvent, mettra en péril leur avenir et leurs relations futures. Faire confiance ne sera pas simple...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la continuité du tome 1 paru chez Le Lombard en 2014, les auteurs pointent ici du doigt le sexisme. Thomas Mathieu est désormais accompagné de Juliette Boutant, qui apporte son œil de femme et ses propres expériences. Pour rappel, le « projet crocodile » a vu le jour en 2013. Il vise à transposer et illustrer les témoignages du harcèlement de rue. Il offre un recueil de saynètes mettant en scène des femmes victimes, classées par thématiques. On occulte facilement le graphisme simple et grossier, aux traits noirs, l’essentiel reste le message véhiculé. Boutant et Matthieu utilisent la métaphore du crocodile à l’image d’un redoutable prédateur, qui est fort et intouchable. Les hommes sont ainsi représentés et bien colorés en vert sur fonds neutres, pour qu’on ne voit qu'eux. Les femmes sont quant à elles représentées avec des visages humains. Certaines scènes sont « volontairement » exagérées (du moins on espère...), mais dans le fond pas si éloignées de la vérité. Les mots recueillis lors des interviews sont choquants, les situations parfois inimaginables et pourtant réelles. Outre les violences physiques subies par certaines femmes, le duo met en avant les violences verbales et les humiliations qui peuvent briser et laisser des séquelles importantes. Ces femmes parlent de perte de confiance en elle et bien souvent évoquent le développement de symptômes liés à l’anxiété. Ce livre met en avant également l’importance de l’écoute. Beaucoup de victimes ne sont pas crues ou prises au sérieux. On est par exemple choqué de lire que cette femme a été ouvertement moquée par une policière lors d’un dépôt de plainte. La peur de dénoncer, la honte et le peu de soutien est flagrant et récurent dans les messages recueillis. Un récit et des images parfois trashs pour heurter et choquer... une BD qui dénonce (encore) une triste réalité, qui invite à la réflexion et à l’empathie.