L'histoire :
2015 connaît une crise migratoire sans précédent : plus d’un million de personnes traversent la Méditerranée pour chercher refuge en Europe. Les candidats à l’Angleterre s’accumulent dans la très médiatisée jungle de Calais. Lisa Mandel et Yasmine Bouagga décident de mener l’enquête. Elles rencontrent tout d’abord Haydée Sabéran, une journaliste qui a écrit Ceux qui passent, dans lequel elle raconte son expérience sur place depuis Sangatte. Pour elle, il est important de préciser qu’il y a plusieurs jungles de Calais et que cela fait 17 ans que l’histoire se répète. Dès le début des années 90, avec l’ouverture du bloc de l’Est, des familles Roms arrivent de Tchéquie. Ils se font refouler à Douvres et se mettent à camper au Terminal Ferry. Les riverains sont touchés et créent une association « La Belle Étoile ». En 1994, le tunnel de la Manche ouvre ses portes et en 1998-1999, la guerre du Kosovo éclate provoquant l’exil de milliers de personnes. Face à cet afflux, les autorités ouvrent le centre de Sangatte dans un ancien hangar d’Eurotunnel. A cette époque, on passe très vite en Angleterre. Tant et si bien qu’en juin 2000, il n’y a plus aucun kosovar à Sangatte. Jusqu’à ce qu’on retrouve 58 chinois morts étouffés dans un camion à Douvres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après l’univers du porno, des caissières de supermarché, des chantiers, la collection Sociorama s’attaque à un thème d’actualité qui a occupé le devant de la scène (et ce n’est pas fini) : la fameuse jungle de Calais ! Entre février et octobre 2016, Yasmine Bouagga et Lisa Mandel sont allées sur place pour découvrir le pourquoi du comment et la situation ubuesque qui y règne. Elles passent en revue les passeurs et leurs tarifs prohibitifs (avec un barème qui va 500 € jusqu’à 10 000 €, en fonction de la garantie de passage outre-Manche), la prostitution qui touche femmes et hommes, les palox (caisses en bois de palettes qui servent à construire des abris), les associations qui œuvrent pour le respect des migrants, les autres jungles qui existent dans les Hauts de France… Bref, le dossier écrit par Bouagga est complet, didactique et fort intéressant. L’humour est distillé par petites touches et permettent de rythmer un récit ultra-dense. Mandel au dessin pose son mode quick drawing, ce qui permet de dédramatiser la situation précaire vécue par tous ces migrants. S’il y avait quelque chose à redire, c’est au niveau du format de 300 pages qui est un peu trop long pour cette collection au petit format. Il aurait mieux valu sûrement un passage à un grand format pour rythmer la lecture. Mais, bon, ce projet a le mérite de mettre les pieds dans le plat et ne pas nous faire oublier le triste sort de ces déplacés, à cause de la guerre et de la pauvreté.