L'histoire :
Gérard Lefort, pigiste à Libération depuis 1979, est intronisé en mai 1981 comme chef du service télévision du quotidien. Adoubé par ses collègues des pages culture audiovisuelle, mais rejeté au vote par l’immense majorité de l’assemblée générale de rédaction, le jeune homme est tout de même confirmé par le directeur du journal, Serge July, qui fait comme si le vote avait été unanimement positif, provoquant l’ire d’une partie de ses journalistes. Lefort, qui avait commencé son propos par une anecdote sur une chronique de Marguerite Duras dans le journal en 1980, va présenter la vie de Libération pendant les quinze années suivantes, avec l’aide de sa consœur Marie Colmant, arrivée un an après lui dans la bouilloire de Libé. Une rédaction de combats, pleine de fureur et de vie, où la déontologie sert de boussole et la débrouillardise de portefeuille parfois. Les deux amis livrent des anecdotes sur leurs collègues, sur leurs rencontres aussi, de Belmondo à Eastwood, en passant par Line Renaud, dans une période atomisée par le Sida, Tchernobyl et la chute du bloc soviétique. Souvenirs d’un autre monde.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Georges Perec et Nathalie Sarraute en ont témoigné en leur temps : l’écriture de soi est extrêmement difficile et les romans ou albums qui retracent des périodes récentes sont souvent décevants, notamment dans la forme. Les lecteurs entre deux âges ou les demi vieillards qui ont connu les années 80 et 90 posent souvent un regard plein de nostalgie sur cette période post punk où le vieux monde s’est écroulé et a laissé la place à un nouveau, plus rapide, plus mouvant et finalement moins sûr, paradoxalement. Une joyeuse folie régnait dans les médias sous les yeux hallucinés des adolescents d’alors. Gérard Lefort et Marie Colmant en ont été les acteurs et les observateurs à la fois. Leur ton est léger, pas moralisateur, mais les anecdotes succulentes, les descriptions et les portraits permettent de voir certains personnages sous un angle nouveau. D’autres font partie de la légende comme Jean-Paul Belmondo ou Clint Eastwood et le lecteur prendra juste plaisir à les voir croqués par les auteurs et par un Pochep qui s’amuse visiblement à varier les plaisirs, avec des portraits précis ou des caricatures hilarantes. Le final est détaillé, précis, mais le lecteur n’est pas gavé de dates et de chiffres. On reste dans le ressenti et le bon mot, on effleure, on caresse cette période comme une vieille photo de personnes aimées, trouvée au fond d’un tiroir.