L'histoire :
Lucien vient d’entrer en classe de 6ème. En marge des traditionnels discours de bienvenue et de la présentation du programme, la professeure d’Histoire Géo annonce qu’elle animera un « club journal », en collaboration avec la prof de Français. Lucien passe presque à côté de cette info, car il est perdu dans ses pensées en regardant la grande roue de la fête foraine qui vient de s’installer. Il s’inscrit néanmoins pour en faire partie, avec de nouveaux camarades qu’il ne connait pas encore. La journée au collège terminée, il récupère sa petite sœur à la sortie de son école et tous deux rentrent à pieds à travers le centre-ville. Ils croisent une fillette foraine, qui fait la promo des deux semaines d’attractions à venir, déguisée en femme-sandwich. Ils sont surtout attirés par le gros toutou plein de poils qui l’accompagne et qui s’appelle Caboche. Ils ignorent qu’à la terrasse du café d’en face, deux adultes amateurs de combats de chiens n’en perdent pas une miette ! Leur précédent champion a récemment perdu, il leur faut un nouveau chien combattant… et celui-ci leur semble idéalement colossal. Le lendemain matin, lorsqu’il arrive au collège, une info grave circule : les 5 poules de Mathis (un copain) ont été dévorées dans la nuit. Le pauvre gamin a découvert le carnage en allant les nourrir avant d’aller à l’école, il est affligé. Les copains du club journal voient là une excellente occasion de sujet pour leur journal !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une fois de plus, Lucien fait montre d’une belle maturité pour démystifier – non pas des fantômes ou des sorcières comme sur les trois premiers tomes – mais une menace bien plus réelle et fatale de notre époque : la fake news ! On retrouve notre gamin sagace au moment de son entrée en 6ème, époque charnière à laquelle on est obligé de copiner avec « des nouveaux ». Lucien intègre ainsi un club journal et un vrai sujet « chaud » leur offre l’opportunité d’un premier reportage : les poules de Mathis ont été tuées dans la nuit ! Or, comme par hasard, une fête foraine vient juste de s’installer dans la ville… le raccourci est vite fait : les gitans sont bien connus pour être des voleurs de poules. Ou plutôt, variante : le gros chien des forains les a bouffées. Cette version est bien encouragée par deux escrocs pas doués – proches du duo de minables dans Maman j’ai raté l’avion – qui manipulent et orientent les collégiens dans leur enquête de débutants, par de faux témoignages. C’est l’occasion d’aborder la question des sources en matière de journalisme, de leur double vérification et de l’importance de ne pas relayer n’importe quelle ânerie au prétexte de vouloir faire du buzz. Le B-A du journalisme, en quelque sorte, qui disparait de plus en plus à notre ère de l’immédiateté, du tribunal populaire et des réseaux sociaux. L’aventure décrit très bien le mécanisme pervers des fake news et elle s’adresse néanmoins à un très large public. Le sociologue Laurent Cordonnier en rajoute une couche en préface ; et un dossier très complet sur la bonne manière de faire un journal d’informations conclut le tout. Le dessin semi-réaliste d’Alexis Horellou se montre quant à lui toujours aussi maîtrisé, abouti et inscrit au sein d’un découpage inventif et flamboyant, complété par une mise en couleurs en aplats décalés – la Lucien’s touch.
