L'histoire :
Alors qu’il est mourant en son manoir, Monsieur André supplie son majordome Armand de faire venir à son chevet Marthe, la jolie sorcière qui habite une masure isolée dans la forêt. Armand s’exécute et s’en va trouver Marthe, qui accepte d’aider André. Durant plusieurs soirs, celle-ci lui administre des potions. Et au terme de longues semaines, elle finit par le sauver. Elle passe tellement de temps à ses côtés, que le couple tombe amoureux et finit par se marier ! Telle est l’histoire que Lucien raconte à ses camarades de classe, dans le bus qui les mène en séjour de découverte. Une partie de ses copains trouve cette histoire vraiment gnangnan. Alors Lucien passe aux révélations qui font peur. Il explique que si Marthe s’est rapprochée d’André, c’est finalement pour l’empoisonner à petit feu. Car André est le descendant d’une famille d’inquisiteurs, ces hauts prêtres qui condamnaient les sorcières aux bûchers, durant le moyen-âge. En tant que descendante de la dernière sorcière de la région, elle se devait de venger sa lignée, quitte à empoisonner aussi les enfants qu’elle a eus avec André. Dès lors, les camarades de Lucien commencent à flipper sévère. Surtout que le bus arrive dans la cour dudit manoir, perdu au fond des bois, un tantinet lugubre, où a jadis eu lieu cette terrible vengeance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir démasqué de faux fantômes (dans les deux premiers tomes), le jeune Lucien démystifie dans ce troisième opus une autre phobie classique des enfants : les sorcières. Par la même occasion, la scénariste Delphine le Lay tente de faire la jonction entre la peur infantile et une lecture plus sociétale du mythe de la sorcière. En convoquant l’argument de la sororité généralisée, la mouvance féministe de notre époque s’y prête ! Certes, tout cela est plein de bonnes intentions, mais n’y perd-on pas au passage la cible initialement jeunesse de la série ? Au cours de leur séjour de classe découverte, les garçons et les filles se retrouvent donc à faire deux groupes rivaux et légèrement antagonistes. A l’âge de Lucien, les enfants ont une tendance naturelle à se séparer en deux groupes qui s’ignorent réciproquement… mais là, une guerre des sexes est ouvertement déclarée. Au gré de beaucoup de palabres et de peu d’actions franches, la narration manque quelque peu de repères permettant de saisir la direction où veut nous conduire Delphine le Lay au cours de ces 88 pages. L’envie de tirer les enfants vers une réflexion mature sur le genre est certes de bon aloi, mais cela reste une gageure quelque peu embroussaillée. En revanche, le dessin d’Alexis Horellou – et surtout les astuces et les ornements du découpage – s’avèrent une nouvelle fois très sympas et originaux. L’ambiance colorimétrique, sur une gamme de teintes éteintes et volontairement ternes, participe elle aussi de l’originalité de cette série jeunesse pas comme les autres, qui a plus de chances de séduire les parents que de pleinement rassasier les enfants.