L'histoire :
Manioka est dealer de crack dans le ghetto qui encercle la ville d'Afura. Désabusé par le rôle qu'il joue dans une société dénuée de morale, il poursuit néanmoins son business, en refusant de creuser trop loin les questions métaphysiques qu'il se pose, et malgré la dérive de certains clients. A la nuit tombée, il se trouve confronté, malgré lui, à des scènes de combat à mi-chemin entre réalité et cauchemar. Aux provocations d’une bande rivale de pseudo-justiciers, hyper violents, il répond en se transformant en une créature monstrueuse, sorte de Mister Hyde nommé « Manioka ». Son parcours, parabole de la violence quotidienne et illustration du pire qui sommeille en chacun, le conduit à une lutte inévitable qui le conduira à s'imposer ou à être éliminé du trafic.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Original, ce one-shot se lit comme on regarde un clip vidéo : sans trop chercher à comprendre le pourquoi du scénario et des images qu'on vous donne à voir. Le concept est celui d’une succession de séquences, illustrées de manière absolument virtuose par un jeune auteur issu du monde du hip-hop, et dont il s'agit du premier album BD. Sur un scénario épais comme une feuille d'album, Nkodem (« graphiste rappeur inconnu à ce jour mais qui va tout casser », dixit son myspace) nous livre des planches superbes. Des images de ville-ghetto, avec un petit faible pour les compresseurs de climatisation et les échelles métalliques.... Toutes les nuances de gris y sont exploitées à merveille. Ses protagonistes sont très réussis, ses paysages urbains réalistes et oppressants, les clins d'œil visuels (panneaux de pubs lumineux) aussi bluffants que Bilal à ses meilleures heures (j'exagère à peine). Au final, l’album est très beau, mis en valeur par la belle qualité d'impression du label KSTR. Si le scénario est très mince, la portée de l'histoire de notre anti héros est plus profonde qu'il n'y parait. La réflexion qu'elle sous tend, sur la nécessaire violence d'une société proche de la nôtre, sont habilement suggérées. La finesse des dialogues ou des réflexions en voix-off du personnage principal étant au rendez-vous. Si l'on en croit les blogs qui bruissent autour de cet album, une extension musicale, avec des références du monde du rap, pourrait venir prolonger le concept. Un album prometteur en tout cas, qui nous permet de découvrir un jeune auteur d'une maturité graphique incroyable. Avec un scénario un peu plus travaillé, Nkodem pourrait effectivement tout casser…