L'histoire :
Lecture recto : Au moyen-âge, un gamin gueux et affamé tente d'attraper un criquet pour se sustenter. Lorsque passe par là un gros moine bedonnant, conduisant une charrette pleine de victuailles. Plus gourmand que charitable, le moine refuse néanmoins de donner au gamin la moindre miche de pain. Bien décidé de profiter de la première occasion pour lui piquer un morceau de n'importe quoi, le gamin suit donc le moine jusqu'au village côtier proche. Pas de bol pour ces deux voyageurs : le village endure à ce moment même le sanglant pillage d'une horde de vikings ! Les guerriers du nord massacrent, violent, incendient et repartent avec quelques richesses. Leur retraite vers leurs drakkars est alors coupée par les hommes du bailli local. Ils combattent donc et abandonnent une grosse partie de leur butin sur la plage, avant de reprendre le large. Dans leur fuite, ils oublient un des leurs, Snorri. Acculé par les villageois et les soldats du bailli, celui-ci n'a d'autre choix que de prendre le gamin en otage...
Lecture verso : À bord d'un gigantesque vaisseau spatial, le lieutenant éducateur Argh escorte une cohorte de délinquants jusqu'à une zone protégée de leur astronef. Ils ont été condamnés à une peine de travail d'intérêt général : s'occuper de la nurserie ! Avec des yeux incrédules et horrifiés, les délinquants découvrent donc cette vaste salle aux murs couverts de larves. Argh leur explique alors le protocole de soin : à l'aide du robot articulé central, il faut d'abord décrocher la larve. Puis la nourrir, la changer, lui faire un câlin et la raccrocher. Parmi les délinquants, Oon profite d'une seconde d'inattention pour piquer les gants de Argh. A la fois clé magnétique et émetteur-récepteur, ces gants sont des outils high-tech très pratiques. Oon fomente aussitôt un plan d'évasion...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour sa première BD en solo chez Casterman, Steven Dupré nous gratifie d'une entrée en matière originale. Vous l'aurez deviné à la lecture du résumé : ce petit (mais épais) bouquin souple peut s'ouvrir des deux côtés et raconte deux histoires appartenant à des registres totalement indépendants... jusqu'à ce que les deux trames se rencontrent au milieu (logique). Dès ce moment médium atteint, il vous faudra patienter jusqu'au tome 2, qui sera construit de manière traditionnelle, pour découvrir la suite. Le plus fortiche est que le côté que vous choisirez pour partir à la découverte de cette double histoire n'a franchement aucune importance, étant donné que les deux récits n'ont strictement rien à voir... ou quasiment. D'un côté, on suit les pillages successifs de villages médiévaux par de cruels vikings ; de l'autre, un alien délinquant et dégourdi se fait la malle de son camp de redressement et de son vaisseau spatial. Vous avez trouvez le point commun ? D'un côté, il s'agit d'une invasion, de l'autre d'une évasion (c'est d'ailleurs le double-titre). Autre point de convergence : le ton légèrement humoristique employé par Dupré dans les évènements, les dialogues et certaines séquences de dessin. Autres prouesses : le même style de dessin semi-réaliste, maîtrisé dans tous les paramètres du registre (profondeurs de champs, expressivité des personnages, mouvements et rythme narratif idoines...), colle à merveille aux deux trames. Juste un bémol concernant la colorisation qui n'est présente à chaque fois que sur les 3 premières planches, avant de se fondre définitivement en noir, blanc et niveaux de gris. Serait-ce une bête question de budget ? Résultat : ces 2 fois 111 planches se dévorent littéralement et il n'y a pas un côté meilleur que l'autre ! Une bonne surprise !