L'histoire :
1917. Modigliani, Livournais de naissance, habite un modeste appartement à Paris avec sa compagne Jeanne. Il lui lit à haute voix la critique d’un journaliste, Clive Bell : « Pour commencer, Modigliani n’est pas un peintre, c’est un dessinateur qui colore ses dessins. Quand on voit combien Picasso et Derain l’ont influencé, on comprend l’impossibilité que Modigliani puisse jamais être sur un pied d’égalité avec eux. » Prenant ces mots comme une insulte, le peintre italien réagit avec véhémence. Il s’est lancé dans la peinture car la sculpture n’a pas voulu de lui, à cause d’une tuberculose récalcitrante. Il vend peu de toiles, lui le disciple de Brancusi. Tout compte fait, il préférerait être ailleurs, sur le front par exemple, en compagnie de Kisling, Cendrars, Léger ou Braque, qui reviennent des tranchées, meurtris dans leur chair. Au lieu de cela, il palabre avec Picasso, un verre à la main. Amedeo ou Dedo, comme on le surnomme, a une vraie passion pour l’absinthe et l’opium. Heureusement, Jeanne est là pour le maintenir tant bien que mal dans le monde des vivants…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aujourd’hui, Modigliani est l’une des références de la peinture du XXème siècle. Pourtant, de son vivant, le peintre italien installé en France a eu toutes les peines du monde à vivre de son art. Son unique expo à la galerie Berthe Weill est un fiasco. Son agent Léopold Zborowski arrive péniblement à vendre ses toiles au compte-goutte. Modi est un vrai artiste bohème tiraillé intérieurement, un peu fou, passionné par les femmes… Voir Laurent Seksik s’emparer de la vie de Modigliani pour en raconter son histoire n’a rien d’étonnant, quand on connaît son goût pour les destins tragiques (Les derniers jours de Stefan Zweig). Ici, il propose un portrait sans concession du peintre emprisonné dans ses tourments (même s'il ne s’appesantit pas à raconter ses beuveries et ses shoots). Son style d’écriture à la fois profond dans le fond et percutant dans la forme trouve un équilibre parfait face au dessin de Le Hénnanf. « Tout s’est fait rapidement. Casterman m’a d’abord fait lire le scénario de Laurent. J’ai donné mon accord immédiatement pour l’adaptation. Ensuite, il y a une rencontre entre lui et moi. J’avais apporté différentes planches de ce que j’avais réalisé auparavant. Je lui ai montré aussi des intentions graphiques sur le personnage de Modigliani. Et je suis parti pour 16 mois de travail. » précise le dessinateur, qui aime jouer au petit chimiste graphique. Ses cases habillées de couleurs directes donnent l’impression de se trouver face à des tableaux. Après la bande dessinée, cet album devrait connaître d’autres planches, celles d’un théâtre parisien. Mais, chut ! Ça, c’est une autre histoire…