L'histoire :
Lucas sort du tribunal. La liquidation de sa boîte vient d’être prononcée. Il se fait déposer par un taxi devant une salle de jeu de poker et y dépense les quelques billets qu’il lui reste. Le vice du jeu le tuera. Volodia, propriétaire des lieux et parrain russe de la mafia, lui rappelle violemment ses dettes : il a trois jours pour payer, pas un de plus. En rentrant chez lui, Lucas explique donc à son fils Mathieu qu’il va devoir s’absenter quelques jours. Il ressort d’une mallette son vieux Moser du temps où il était tireur d’élite pour Tsahal. A Lyon, il descend de sang froid deux gorilles de Volodia, pour lui prouver que lui aussi sait être sérieux. Ce faisant, il décroche son nouveau job : flingueur pour la mafia. Au même moment, dans les alpes, le secouriste de haute montagne Olivier réussit son premier sauvetage de l’année. Il fête ça en tringlant la femme de son collègue dans les toilettes du centre de Chamonix. Il a aujourd’hui l’âge qu’avait son père, lui-même guide-gendarme, lorsqu’il est mort dans une avalanche. Depuis, il croise souvent son fantôme et s’interroge : son corps n’a jamais été retrouvé. Olivier est également papa d’une grande fille, Julie, un peu trop jeune à son goût pour être enceinte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans les premières pages de ce thriller, on ne voit pas du tout où le scénariste Stéphane Piatzszek veut nous emmener et ce paramètre inconnu de l’équation nous ficèle littéralement au suspens. Sur les trois quarts du one-hot, on suit en effet deux trames narratives qui se relaient régulièrement et distinctement. D’une part, le quinquagénaire Lucas, ancien tireur d’élite de Tsahal, reprend du service pour payer une dette contractée auprès de la Mafia. D’autre part, le quadragénaire secouriste de haute-montagne Olivier assume une situation familiale pesante : le fantôme de son père le hante, sa mère est mourante, sa fille est enceinte. Ils ont deux points communs : ils sont tous deux pères célibataires d’un grand ado ; et ils sont tous deux hantés par un fantôme (le père de l’un ; un soi plus jeune pour l’autre). Sans déflorer le suspens, ces deux existences qui n’ont rien à voir vont évidemment se rejoindre à un moment du récit, plutôt vers la fin, forcément climax sanglant de l’histoire. Le théâtre du rebondissement final – la montagne enneigée et accidentée – est une caisse de résonnance idoine pour souder ces deux hommes que tout sépare. On se demande alors pourquoi avoir pris la peine de creuser aussi profondément le destin et la psychologie des personnages, pour aussitôt les abandonner. On regrette presque que ce thriller ne soit pas l’opus d’ouverture d’une série. On s’est attaché à eux et on a la sensation de passer à côté de plein de choses (quid du bébé de Julie ? de Mathieu chez sa mère ?). En outre, la narration mature, qui s’amuse des silences et des ellipses, est tendue à souhait. Le dessin semi-réaliste de Stéphane Douay, aux encrages clairs-obscurs prononcés, joue quand à lui sur une large palette d’astuces séquentielles et graphiques pour manager le suspense.