L'histoire :
Dans le Paris de la fin XIX, Alceste Boursault est un jeune homme tourmenté. Tombé fou d’amour pour la fille d’un riche banquier, il a abandonné une prometteuse carrière de journaliste, alors qu’il ambitionnait de révéler dans un article les trafics de son père. Pire : il s’est fiancé et a accepté un poste au sein de l’établissement bancaire ! Méprisé ce par futur beau-père véreux, il ne lui semble pas avoir d’autre choix que d’accepter ce destin tout tracé et guère palpitant. Quand il est seul, il se met alors à voir et à discuter avec une sorte de fantôme, un individu à tête de démon, en chapeau haut de forme. Ce « noir homme » l’incite à se rebeller, à publier son enquête, quitte à déshonorer cette belle-famille douteuse. Mais Alceste refuse, il est très amoureux… Pourtant, l’article à scandale parait un matin dans la presse, sous sa signature ! Evidemment, il se fait larguer en beauté et tente de trouver une explication à ce mystère. Il comprend alors que c’est le noir homme qui est en lui qui a écrit et envoyé l’article à son ancien rédac-chef. Au même moment, ailleurs, un écrivain de seconde zone cherche l’inspiration et le succès, en vain. Lui qui aimerait rivaliser de notoriété avec un certain Victor Hugo, se met alors lui aussi à voir le Noirhomme. Il prend alors cette « chimère » comme sujet de roman-feuilleton…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce premier volet expose en deux séquences tragiques et achevées, un « personnage » assez insolite dans le 9e art. Ni tout à fait réel, ni tout à fait héros, ce Noir Homme fantomatique est une sorte de métaphore du célèbre pacte avec le diable. En exauçant des fantasmes qui auraient mieux fait de rester enfouis (le scandale pour Alceste le journaliste ; le succès pour Arthur l’écrivain), ce double schizophrénique cause la perte à long terme de ses sujets (respectivement la folie et la mort). Ce faisant, le scénariste Antoine Maurel aborde des thématiques intéressantes et nombreuses, telles que le syndrome de la page blanche, la solitude de l’homme, les voies sinueuses du destin… Maurel, pour qui cet album constitue une première incursion prometteuse au sein du 9e art, a peaufiné ses dialogues. Quelques belles répliques sont assénées comme autant d’aphorismes : « Dompter les caprices de l’inspiration est un véritable art » ; « Bien peu d’hommes ont le courage d’admettre qu’on est toujours seul » ; « Montre leur le fossé qui sépare leurs existences pathétiques de ta vie libre et brillante et ils se battront pour en saisir un éclat ». Néanmoins, si le propos se révèle pour le moins intéressant, la démonstration manque un peu de peps (pour le moment ?). Au dessin, Hamo (alias Pierre-Yves Berhin dans la vraie vie) livre aussi sa première œuvre, très encourageante. Son style de dessin est déjà bien abouti, très élégant, mais paradoxalement peut-être trop lisible, trop léger, trop « propre » pour aborder de manière ad hoc la noirceur du propos. Sous un traitement plus trash, les apparitions du Noirhomme auraient été sans doute été plus angoissantes. Ce jeune dessinateur talentueux devrait néanmoins faire mouche dans un registre plus polar…