L'histoire :
En janvier 1941, la vie des parisiens s’adapte dans la douleur à la conjoncture politique, économique et sociale. Le gouvernement collaborateur met en place des lois dictées par l’occupation allemande, tandis que les mentalités ruminent un certain rejet des juifs. Charlotte, une jeune femme, vit avec son père Emile, veuf et gendarme, dans un appartement. Elle organise sa vie, relativement insouciante, autour de séances de piscine et de sa passion pour le piano. Paul, du même âge, est le fils d’un cordonnier qui refuse de travailler avec les boches. La conjoncture économique est terrible pour les gens comme lui : en tant que commerçant, il doit déclarer ses stocks, qu’il ne peut vendre qu’à un prix fixé par le gouvernement de Vichy. Or les allemands ont mis au point une stratégie redoutable de l’exploitation du pays, en achetant jusque 5 fois le prix des marchandises. L’argent n’est pas un problème, étant donné que la France verse des indemnités exorbitantes en vertu des conventions d’armistice, pour couvrir les frais d’entretien des troupes d’occupation. Toutes les conditions sont réunies pour favoriser le marché noir. Paul trouve alors le moyen de faire prospérer le commerce de son père, en intégrant un bureau intermédiaire de négoce…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Philippe Richelle semble être quelqu’un de fidèle. Fidèle, premièrement, à son partenaire dessinateur Pierre Wachs, avec lequel il a déjà réalisé 4 tomes de Secrets bancaires et, deuxièmement, fidèle à une époque de l’Histoire qui semble le passionner tout particulièrement : la vie en France sous l’occupation allemande. Cette thématique est en effet déjà le sujet d’Amours fragiles, une autre série éditée chez Casterman (avec Jean-Michel Beuriot au dessin). Les lecteurs qui ont approuvé cette excellente histoire (et comment faire autrement ?) peuvent se jeter les yeux fermés sur cette Opération vent printanier. Une nouvelle fois, son intrigue s’intéresse simplement à la vie quotidienne d’un groupe de jeunes gens, français et allemands, à Paris, sans aucun cliché, aucun manichéisme. Quel français auriez-vous été sous l’occupation ? La question de l’engagement individuel est au cœur de l’album, à travers des rapports brossés avec le recul idoine dont Richelle s’est fait le spécialiste. Subtilement, le scénariste brosse un portrait social et économique très pertinent de l’époque. D’une part, il fait la démonstration des restrictions, de l’avènement du marché noir, de l’asphyxie économique et de l’opportunisme de certains affairistes ; d’autre part, il cerne l’antisémitisme latent, qui devrait être mis plus en exergue dans le second et dernier tome, avec la tristement célèbre « rafle du vel d’hiv ». De son côté, Pierre Wachs affine et peaufine son style, à travers un crayonné réaliste élégant rehaussé par la colorisation chiadée de son épouse Domnok. La technique du crayon gras lui permet de jouer habilement avec les ombres et des niveaux de détails variés et maîtrisés selon la focale, pour un résultat visuel très convaincant. L’époque de la seconde guerre mondiale est parfaitement rendue, à travers moult détails qui ont tous leur importance : affiches, bibelots, arrières plans intérieurs ou extérieurs… on y croit à 200%, en appréhendant les inéluctables conséquences à venir…