L'histoire :
Rosalinde, paisible retraitée campagnarde (d’apparence), jardine dans son jardin. Lorsque soudain… de mystérieuses formes brillantes font leur apparition dans le ciel. C’est pas dieu possible… des ovnis ! La terre est en train d’être envahie par des nuées de zeppelins aliens ! Aussitôt, Roselinde s’empare de la hachette avec laquelle elle coupe du bois, ajuste son tir et la balance de toutes ses forces en direction d’un de ces ovnis. Car il faut savoir qu’avant, Rosalinde était une agent secret d’élite et qu’elle sait y faire question castagne. Bingo : elle éventre un zeppelin qui se crashe sur la maison d’Edmond, le voisin. Rendue sur place, elle aperçoit un tentacule alien qui s’extrait des débris et elle l’attaque aussitôt avec son opinel. Le sang gicle, d’autres tentacules apparaissent, et Rosalinde redouble d’ardeurs. Au beau milieu de cette boucherie, elle aperçoit une jeune femme qui pendouille par le pied à un tentacule. C’est Muchu la pute ! Rosalinde lui en veut encore car jadis, cette dernière a eu une aventure avec son époux. Mais l’heure est plutôt à la coalition : tous ces aliens qui ravagent la terre, c’est trop le bordel pour rester sans réagir. Rosalinde emmène Muchu dans sa grotte secrète, où elle a scrupuleusement rangé son arsenal…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a de quoi écarquiller les yeux à la lecture des premières pages de Rosalinde : c’est complètement barré et encore, le résumé ci-dessus n’est que le début du début ! A cette simili Guerre des mondes s’ensuivent la rapide victoire terrienne contre les aliens et une longue aventure politico-sociale des plus originales (et déjantée). Car après la destruction, il faut bien reconstruire, et c’est ici le cœur de la problématique. La figure héroïque de Rosalinde sera dès lors utilisée, manipulée par un directoire naissant, telle une icône de la victoire… Débile dites-vous ? Non point, ce personnage de petite vieille improbable, qui trimballe de part et d’autres des nichons en gant de toilette, n’a absolument rien de réaliste. Elle sert pourtant une satire politique rigolote et ultra-souple, enluminée d’une verve contemporaine d’une belle fraîcheur. A travers Rosalinde, l’auteur Thomas Cadène en profite pour vider ses chargeurs contre divers groupuscules sociaux obéissant à des normes aussi variées que superficielles (les gothiques, les jeunes rebelles néo-bourges, le groupe d’amitié Asie-Afrique du canal Saint-Martin…). Mais le propos de Cadène se concentre avant tout à tourner en dérision la société des médias et le marketing politique, tout aussi affligeant de conventions futiles. En ce sens, et malgré quelques longueurs, ce récit mérite le détour. Reste à franchir la barrière du dessin, un graphisme (disons) contemporain, pas évident à adopter, qui risque de rebuter les amateurs de BD (dite) classique. Néanmoins, à coups de formes naïves et gribouillées, Cadène maîtrise son univers visuel glam-trash et emportera l’adhésion des plus blasés. S’il fallait trouver une référence à cet ovni de 140 planches, on évoquerait sans doute l’excellent Lola Cordova d’Arthur Qwak, également chez Casterman. Un « truc de fou » original, à découvrir, Ayalou !